Revendiquer les droits humains : le défi de la responsabilisation
Genève/Suttgart/Utrecht, le 11 octobre 2011 - En dépit de la croissance du mouvement mondial pour le droit à l’alimentation et l’existence d’instruments juridiques et de mécanismes internationaux pour la protection des droits humains, un nombre inacceptable de violations reste commis en toute impunité. Paru aujourd’hui, l’Observatoire du droit à l’alimentation et à la nutrition 2011, une publication annuelle qui analyse les politiques de sécurité alimentaire et de nutrition selon la perspective des droits humains, dénoue les mécanismes de cette situation.
L’Observatoire identifie le manque de responsabilisation comme le " chaînon manquant " entre la lutte des personnes pour leurs droits et la reconnaissance accrue du droit à l’alimentation dans les programmes politiques depuis les 25 dernières années.
Selon le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, " En renforçant la capacité des tribunaux ou d’autres organes indépendants à contrôler le respect du droit à une alimentation adéquate, nous transformons fondamentalement la relation entre les personnes pauvres et marginalisées et les acteurs - qu’ils soient étatiques ou privés - qui prennent des décisions qui les concernent. Il y avait des besoins à assouvir ; il y a maintenant des droits à respecter. Cette relation relevait de la charité ; elle est devenue une relation fondée sur des obligations. Ce changement fondamental représente non seulement un gain d’efficacité dans la lutte contre la faim c’est aussi un gain pour la dignité des personnes qui souffrent de la faim. "
Grâce à ses partenaires sur quatre continents, l’Observatoire présente 15 rapports nationaux et régionaux concernant la responsabilisation en matière de droit à l’alimentation et à la nutrition, notamment au Guatemala, en Haïti, en Allemagne, en Suisse, au Cameroun, en Ouganda, en Chine et au Pakistan.
Parmi les nombreux cas documentés dans cette publication, on peut relever la série de meurtres et d’évictions forcées de paysans perpétrée par les militaires, la police et les gardes de sécurité privés dans la région de Bajo Aguán au Honduras. Les mouvements paysans de Bajo Aguán ont lutté pour leur droit à l’alimentation en réclamant l’accès à la terre et une réforme agraire pour résister à l’accaparement de terres par les grands producteurs d’huile de palme. Cependant, les communautés paysannes ont été victimes de persécutions et de violence. Entre janvier 2010 et octobre 2011, 40 assassinats de paysans en lien direct avec le conflit agraire qui sévit dans la région ont été enregistrés. Les crimes commis n’ont pas fait l’objet d’enquêtes et demeurent impunis.
Parmi les violations de droits qui ont été identifiées par l’Observatoire 2011 figurent le harcèlement constant et les meurtres de paysans et personnes actives dans la défense des droits humains au Togo ; les concessions illégales de terres à l’industrie de l’huile de palme par le gouvernement de la Malaisie aux dépens des communautés autochtones ; et le manque d’amélioration du statut des femmes et des filles quant leur droit à l’alimentation, malgré leur rôle vital pour la sécurité alimentaire.
" L’Observatoire du droit à l’alimentation et à la nutrition 2011 dénonce le manque flagrant de responsabilisation des acteurs, autant étatiques que privés, qui entraîne quotidiennement des violations du droit à l’alimentation. Cette publication est un outil fondamental pour donner la parole aux victimes et pour attirer l’attention publique sur des situations d’injustice intolérables ", Jean Ziegler, Vice-président du Comité consultatif du Conseil des droits de l’Homme.
Les auteurs de l’Observatoire, qui sont actifs dans le milieu médical, au sein des gouvernements, des ONG ou des mouvements sociaux, témoignent des progrès accomplis dans la reconnaissance des droits liés à l’alimentation, comme par exemple l’utilisation croissante des systèmes judiciaires nationaux pour revendiquer ses droits et réclamer des réparations. Cependant, les violations des droits humains et l’incapacité de remédier à leurs conséquences restent la norme, même dans les cas où ces droits sont consacrés dans le droit constitutionnel, comme en Bolivie et en Equateur. Les personnes qui sont privées de leur droit à une alimentation adéquate doivent affronter la faim et la pauvreté, alors que les violations se perpétuent en toute impunité.
Télécharger le rapport ici :
Rendez-vous sur le site web de l’Observatoire : www.rtfn-watch.org
Publié en anglais, espagnol et français en octobre 2011
Publié par : Pain pour le Monde (Brot für die Welt), FIAN International et l’Organisation inter-églises de coopération au développement (ICCO) en partenariat avec l’Alliance étasunienne pour la souveraineté alimentaire (USFSA), l’Alliance Oecuménique "Agir Ensemble" (EAA), le Centre international Carrefour (Centro Internazionale Crocevia), la Coalition internationale pour l’habitat (HIC), le Conseil international des traités indiens (CITI), DanChurchAid (DCA), Droits et Démocratie (DD), le Mouvement populaire pour la santé (MPS), l’Observatori DESC - Droits économiques, sociaux et culturels, l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), la Plataforma Interamericana de Derechos Humanos, Democracia y Desarrollo (PIDHDD), le Réseau africain pour le droit à l’alimentation (RAPDA), World Alliance for Breastfeeding Action (WABA).