8 août 2019
Communiqué conjoint

L’utilisation massive des biocarburants met la sécurité alimentaire sous pression, selon le GIEC

Des ONG demandent à la Belgique de cesser d’utiliser les agrocarburants

Aujourd’hui, jeudi 8 août, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport spécial sur l’usage des sols et le changement climatique. Le rapport des experts de l’ONU confirme que la production à grande échelle de biocarburants a un impact négatif sur la sécurité alimentaire mondiale et la pauvreté. Selon le GIEC, limiter leur production minimiserait fortement cet impact. Or, le Plan National énergie-climat (PNEC) belge prévoit justement d’augmenter la part des biocarburants. Oxfam-en-Belgique, 11.11.11, FIAN et CNCD-11.11.11 demandent au gouvernement belge d’ajuster les objectifs nationaux concernant les biocarburants repris dans le PNEC avant qu’il ne soit finalisé à la fin de l’année.

Le nouveau rapport du GIEC examine de nombreux aspects liés à l’utilisation des terres et au climat, tels que l’agriculture, la déforestation, les systèmes alimentaires et l’élevage. Il décrit diverses manières positives par lesquelles l’utilisation durable des terres peut contribuer à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique, telles que la restauration des écosystèmes, le reboisement, une meilleure gestion des sols, la transition vers des pratiques agricoles durables, la lutte contre le gaspillage alimentaire, un changement radical vers des modes de consommation plus durables et la protection des droits fonciers des communautés.

Les agrocarburants aggravent la faim dans le monde

Le rapport confirme également l’impact négatif de la crise climatique sur la sécurité alimentaire, comme déjà souligné dans un récent rapport de la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Parallèlement, le rapport des experts du GIEC met en garde contre l’augmentation de la part des biocarburants, qui auraient un impact négatif si elles étaient déployées à grande échelle. En effet selon le rapport, miser sur une production massive de biocarburants entrainerait une compétition avec les secteurs de l’agriculture et de l’élevage, et contribuerait à la dégradation des sols et à la désertification. Des risques qui constituent une menace pour la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en eau, surtout pour l’Afrique subsaharienne et l’Asie du sud.

Le rapport du GIEC démontre clairement que les gouvernements devraient revoir à la baisse leur utilisation de biocarburants. Cet appel est conforme aux recommandations de divers experts des droits humains, dont les rapporteurs spéciaux précédents et actuels de l’ONU sur le droit à l’alimentation, ainsi qu’un récent rapport publié par CLARA (Climate Land Ambition Rights Alliance), une importante coalition d’ONG.

Un Plan Climat belge non-conforme aux droits humains

La Belgique prévoit d’augmenter sa consommation de biocarburants. La proposition de Plan National énergie-climat que notre pays a soumis à la Commission Européenne en décembre 2018 prévoit que la part des biocarburants dans les transports belges soit portée à 14% en 2030, alors qu’elle était de 5,5% en 2017. Parmi ces 14%, le PNEC prévoit d’atteindre un objectif de 7% d’agrocarburants produits à partir de cultures destinées traditionnellement à l’alimentation, bien que ce seuil ne soit pas une obligation européenne. La Belgique agit en dépit des preuves scientifiques démontrant que les biocarburants non-durables constituent une fausse solution, ils émettent plus de gaz à effet de serre que les combustibles fossiles, avec des conséquences sociales et environnementales bien pires encore.

« La Belgique opte pour la pire solution qu’il soit pour atteindre ses objectifs sur papier en investissant davantage dans des biocarburants non durables tout en ayant un impact négatif sur la sécurité alimentaire. Notre pays va ainsi à l’encontre des traités internationaux sur les droits humains », déclarent les ONG.

« La production d’agrocarburants s’accompagne souvent d’un accaparement des terres. Réduire les biocarburants est donc aussi fondamental pour la justice de genre, car si les femmes sont au centre de la production alimentaire mondiale, elles ne possèdent qu’une part infime des droits de propriété », déclarent les ONG.

À la fin de cette année, le gouvernement belge doit soumettre une version finale du PNEC. Ce plan nécessite un ajustement complet pour le rendre conforme à l’accord de Paris, dans lequel notre pays s’est également engagé à inscrire les droits humains dans sa politique climatique et à respecter les objectifs de développement durable.

« La Belgique doit s’engager à relever son ambition climatique et doit considérablement réduire ses objectifs en matière de biocarburants. Nous demandons également aux autorités belges, sur la base des connaissances scientifiques les plus récentes, de s’engager explicitement à mettre un terme à l’utilisation d’agrocarburants de première génération », déclarent les ONG.

Notes aux rédactions :

· Nouvelle législation européenne :

o Selon la législation européenne chaque état-membre est contraint d’obtenir 7% de l’énergie destinée au transport à partir du renouvelable avancé d’ici 2030. Parmi ce seuil de 7%, la seule obligation en termes de biocarburants est de consacrer 1,75% aux biocarburants avancés (comme par exemple les agrocarburants produits à base d’algues). (voir graphique, page 4).

· Relations nord-sud :

o Au moins 26% de nos agrocarburants (volume) proviennent des pays du Sud.

o La Belgique a promu la production d’agrocarburants, à travers des investissements ou des achats, dans au moins une dizaine de pays non-européens entre 2010 et 2018 (estimation à la baisse).

o Dans ces pays, il existe de nombreux cas d’accaparement des terres, et des menaces claires pour la sécurité alimentaire (voir rapports).

o Les agrocarburants produits en Europe peuvent avoir des effets indirects sur la sécurité alimentaire. Par exemple, le déplacement de la production alimentaire européenne vers les pays du Sud peut créer une concurrence sur les produits agricoles mais aussi sur les terres cultivables dans ces pays. Les agrocarburants peuvent aussi contribuer à une hausse des prix des matières premières sur le marché mondial. Selon la FAO, les agrocarburants sont coresponsables de la flambée des prix des denrées alimentaires entre 2002 et 2008 et de la crise alimentaire qu’elle a provoquée. Les prix ont augmenté de 140% en 6 ans, dont 105% à cause de la production d’agrocarburants, faisant passer le nombre de personnes en situation de famine de 850 à 950 millions de personnes.

· Dimensions :

o La surface nécessaire à la production de l’huile de palme consommée en 2017 dans nos moteurs fut considérable, équivalente à la superficie totale de la Région bruxelloise.

o Le recours au biodiesel en 2018 d’huile de soja en 2018 est multiplié par 12 par rapport à 2017, pour atteindre 144.000 m3. Ceci rend les volumes d’huile de soja ainsi consommés comparables aux volumes nets importés pour l’alimentation. En 2018, la quantité d’huile de soja consommée par nos moteurs correspondait à environ 12.5 litres par belge. Pour l’huile de soja utilisée dans le diesel belge, la surface de production équivaut à six fois la superficie totale de la Région bruxelloise (chiffres actualisés).

Rapports

· (2019) A côté de l’huile de palme, de plus en plus d’huile de soja dans nos moteurs

· (2018) Evaluation de la politique belge d’incorporation d’agrocarburants : Le cas de l’huile de palme
· (2018)Le mythe de l’huile de palme 100% durable

· (2016) Agrocarburants : comment l’Europe réchauffe la planète
· (2016) Globiom : the basis for biofuel policy post-2020
· (2018) “EU ends target for food-based biofuels and phases out palm oil in cars only in 2030”, June 2018, Transport & Environnement (2018)

· Le rapport du GIEC disponible ici

Contact Presse :

Sotiris Gassialis | sotiris.gassialis@oxfam.org | +32 494 13 56 78