10 mai 2012

Les femmes Guarani Kaiowá du Mato Grosso do Sul réclament leurs droits

Des femmes de tous les villages et campements Guarani Kaiowá et Nhandeva du cône sud de l’Etat du Mato Grosso do Sul se sont réunies pour leur deuxième grande assemblée II Kunã Aty Guasu. Plus de 400 participantes, dont des sage-femmes, des femmes de prière, des artisanes, des agents de santé, des professeures et autres leaders se sont retrouvées du 25 au 29 avril 2012 dans le village Jaguapiru - Dourados-MS.

 
Ni le vent ni les pluies torrentielles qui ont détruit une partie des tentes la nuit de leur arrivée ni la boue des chemins n’ont pu taire la voix de ces femmes qui réclament leurs droits.

 
Lors de la bénédiction du communiqué final, Dona Alda Silva –Nhandecy s’est exprimée :
“Nous, les femmes GK, nous vivions comme un lézard accroché au tronc des arbres. Pendant longtemps nous nous sommes tues et n’avons pas fait entendre notre voix. Mais aujourd’hui, nous mettons notre conscience en harmonie avec le chemin de la transformation afin de parvenir à la légèreté et à la liberté du papillon. De même que le papillon se nourrit du suc des fleurs, nous cherchons à devenir plus fortes pour affronter le monde et chercher nos droits.”
 
 

 
COMMUNIQUE FINAL DE II KUNÃ ATY GUASU
ALDEIA JAGUAPIRU- DOURADOS- MS
25-29 AVRIL 2012

 

Nous, les femmes indiennes Guarani Kaiowá et Ñandeva, avec des femmes de prière, des sage-femmes, des artisanes, des agents de santé, des professeures et autres leaders de tous les Tekoha (villages) du cône sud de l’Etat du Mato Grosso do Sul, réunies pour notre II Kunã Aty Guasu - Grande Assemblée de femmes indiennes, dans le village Jaguapiru - Dourados - MS, du 25 au 29 avril 2012, nous nous exprimons, nous dénonçons et nous revendiquons la SANTE ET DES POLITIQUES PUBLIQUES POUR LES FEMMES INDIENNES de nos Tekoha.
 

Unies à tous les peuples indiens du Brésil dans une grande manifestation nationale, nous exprimons notre rejet de l’approbation de la PEC 215. Nous voulons dire à tous nos parents que notre lutte est la même et que nous ne renoncerons pas à nos TERRITOIRES TRADITIONNELS.
 

Nous, les Femmes Indiennes, nous exprimons publiquement notre indignation !
 

Notre vie dans nos villages est marquée par la violence et la marginalisation. Nos enfants souffrent de sous-alimentation ; nos jeunes n’ont pas le droit à une éducation différentiée et de qualité, ils n’ont aucune perspective de vie ni de futur et sont condamnés à se suicider ou à se droguer ; les femmes ne sont pas prises en compte au niveau de la santé ; elles font la file pendant des mois ou des années mais ne sont pas reçues par le Secrétariat Spécial de la santé indienne (SESAI). Elles souffrent de toutes sortes de discrimination, de violence domestique, elles sont méprisées et oubliées par nos autorités et institutions gouvernementales en état de détérioration et corruption. Quant à l’agrobusiness, il se développe, il se développe et il envahit nos terres. “Ils ont pollué nos rivières, ils ont détruit nos forêts, notre pharmacie et notre santé. Ils ont détruit notre culture, nos villages, notre vie et notre dignité, laissant les femmes à la merci des autoroutes, dans des campements et sur de petites surfaces insuffisantes pour vivre.” Ce sont nous les femmes qui souffrons le plus des conséquences de cette structure injuste qui génère violence et mort dans nos familles et nos Tekoha.
 

Nous, les Femmes Indiennes, nous voulons qu’on nous rende nos droits !

 
Nous exigeons :
 

1. D’urgence, l’identification et la démarcation de nos terres en tant que condition pour que diminue la faim, la dépendance et la violence dans nos Tekoha. Nos propositions renforcent celles du communiqué de l’Aty Guasu de Jaguapire qui avait eu lieu du 29 février au 4 mars ;

 
2. D’avoir la garantie que les femmes et le Conseil de Aty Kunã puissent faire partie des instances de contrôle social, et participer à la conception, la construction et la mise en œuvre des programmes et des actions gouvernementales prévues pour nos Tekoha ;

 
3. La reconnaissance et le renforcement de nos pratiques traditionnelles, au niveau médical, religieux, culturel et de production alimentaire, pour notre autonomie et l’auto affirmation de nos Tekoha.
 

Sécurité pour les Femmes de nos villages et campements

 
4. Que le Bureau de défense de la Femme fonctionne non stop y compris les fins de semaine et les jours fériés et pratique un traitement différentié, en respectant la diversité linguistique et culturelle des femmes indiennes ;

 
5. La création d’un centre de services à la femme indienne dans le village Jaguapiru-Dourados ;
 

6. Que soient exécutés et renforcés les programmes de sécurité dans les villages, avec une attention spéciale à la femme indienne et qu’ils soient garantis pendant la nuit et les fins de semaine ;

 
7. Que soient mises en oeuvre des politiques spécifiques telles que la promotion de programmes de prévention et de lutte contre la violence et la discrimination à l’encontre de la femme indienne ;

 
8. Que soient créés et exécutés des programmes de formation de serviteurs publics (hommes et femmes), formation en genre, culture et droits humains, de manière à garantir le droit à la diversité de langue et de culture des femmes indiennes.
 

Santé différentiée et de qualité pour la femme indienne

 
9. Une meilleure qualité de service à la population indienne en général et en particulier à la femme indienne. Que le SESAI assume ses responsabilités pour un service rapide et de qualité. “Nous sommes fatiguées de voir les femmes mourir en faisant la queue dans les dispensaires !”

 
10. Que soient créés et mis en oeuvre des programmes de formation en genre, langue et droits humains pour les agents et autres professionnels de santé de manière à garantir un service humanisé et différentié aux femmes indiennes.

 
11. La mise en place de postes de santé dans les campements avec ressources humaines, matériel et assainissement minimum.

12. La mise en oeuvre de mécanismes adéquats de suivi effectif et d’évaluation des impacts sur l’environnement des projets de monoculture et utilisation de produits phytosanitaires toxiques qui touchent nos villages entraînant intoxications, empoisonnements et décès ;

 
13. L’accès à une eau de qualité est un droit humain fondamental. Garantir l’accès à une eau de qualité en quantité suffisante dans nos villages (avec une attention spéciale pour le village Bororó- Dourados) ;

 
14. Création de CAP’s, CREAS, CRAS et Poste de Santé dans le village Jaguapiru - Dourados, de façon à répondre à la demande ;

 
15. Que le SESAI planifie l’achat d’ambulances pour les postes de santé afin de desservir les villages à temps.

 
Durabilité et sécurité alimentaire

 
16. Garantir la mise en oeuvre de Politiques Publiques de motivation à la production durable de nourriture et d’autres produits nécessaires à notre reproduction physique et culturelle, en respectant la diversité des modes de production traditionnels en dialogue avec d’autres savoirs écologiquement durables ;

 
17. Garantir la récupération des zones dégradées, des forêts ciliaires et prendre des mesures compensatoires pour l’indemnisation des dommages causés à nos territoires traditionnels ;

 
18. Mettre en place des programmes pour fomenter l’utilisation de semences créoles ou traditionnelles et favoriser la multiplication d’expériences telles que des maisons de semences, des banques de semences et autres formules développées par les communautés indiennes.

 
19. Donner la priorité à et garantir des programmes de durabilité et production d’aliments dans les zones reprises.

 
Considérant que les propositions mentionnées ci-dessus font partie de nos droits constitutionnels, nous demandons aux autorités compétentes qu’elles garantissent leur mise en oeuvre en tant que réparation de l’exclusion, la violence et la discrimination dont notre peuple est victime depuis des siècles.

 
Nous réaffirmons que nous sommes disposées à consolider notre organisation et articulation de Mouvement des Femmes Kaiowá Guarani et Ñandeva, en nous joignant avec nos compagnons à la lutte pour notre terre et la garantie de nos droits, en construisant un pays pluriel, plus juste et solidaire.
 

Aldeia Jaguapiru - Dourados, 28 Avril 2012.