8 août 2011

Les négociations des Directives volontaires se poursuivront en octobre : la société civile devra redoubler d’efforts

Heidelberg - 08/05/2011 - Durant cinq jours intenses, du 11 au 15 juillet, plus de 60 Etats membres et 20 représentants de la société civile, du secteur privé, ainsi que des participants des institutions financières internationales et des observateurs se sont réunis à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), à Rome. Leur objectif était de revoir, discuter et négocier l’avant-projet de Directives Volontaires sur la gouvernance responsable des régimes fonciers des terres, pêches et forêts lors de la deuxième réunion du Groupe de travail à composition non limitée (OEWG en anglais).

Comme proposé par le président du OEWG, la réunion s’est d’abord concentrée sur des questions controversées telles les réformes foncières, les marchés, les investissements et les concessions, l’harmonisation du langage avec les obligations de droits humains régionales et internationales et le rôle des Etats et des acteurs non étatiques. Ces groupes thématiques ont discuté de ces questions et se sont mis d’accord sur des compromis qui étaient ensuite présentés en séance plénière. La révision du texte global en séance plénière n’a cependant porté que sur la préface et les trois premiers paragraphes.

L’évaluation faite par FIAN de cette première phase de négociations intergouvernementales est mitigée. D’une part, il est encourageant de voir que le CSA réformé permet une réelle participation dynamique et effective des différents groupes de la société civile. Ce qui est particulièrement encourageant, vu que les négociations des Directives constituent la première initiative du CSA réformé face à un des problèmes les plus urgents de notre temps : comment sécuriser l’accès à la terre, à la pêche et aux forêts pour les petits producteurs alimentaires, et particulièrement les femmes. Il était également important de voir qu’un certain nombre de pays - comme le Brésil, l’Equateur, l’Egypte, l’Union européenne, la Suisse, la Tanzanie, les Etats-Unis et le Zimbabwe -ainsi que le président du CSA ont fait preuve d’un engagement affiché vis-à-vis de l’adoption des Directives.

D’autre part, il existe plusieurs raisons de s’inquiéter pour la suite des négociations. Lors de la prochaine phase des négociations, entre le 10 et le 14 octobre, durant la semaine précédant la 37è session du CSA, FIAN et les autres organisations de la société civile seront particulièrement attentifs aux questions suivantes.

Le Canada et la Turquie se sont farouchement opposés à l’inclusion de l’accès à l’eau potable et pour la production alimentaire et l’élevage dans le champ d’application des Directives. Et ceci en dépit de l’importance capitale de ces éléments pour l’éradication de la faim et du fait que, dans de nombreux cas, l’utilisation des terres à des fins productives est inséparable de l’utilisation de l’eau. De sorte que, l’eau n’a été que marginalement inclue dans la préface des Directives, en rappelant que la gouvernance de la tenure des terres, les pêches et des forêts est intimement liée à l’accès et à la gestion des autres ressources naturelles telles que les ressources en eau et en minéraux. Toutefois, les Etats auront encore la possibilité de décider s’ils veulent prendre en compte la gouvernance de ces ressources naturelles associées dans la mise en œuvre des Directives.

Malgré l’inclusion de la sécurité alimentaire dans le titre des Directives (Directives Volontaires sur la gouvernance responsable des régimes fonciers des terres, pêches et forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale), et bien que les Directives affichent comme objectif l’amélioration de la gouvernance de la tenure des terres, des pêches et des forêts au bénéfice des personnes marginalisées en gardant la sécurité alimentaire et la réalisation du droit à l’alimentation comme objectifs principaux, le texte des Directives manque encore d’une orientation claire en faveur des petits producteurs, des pauvres et des groupes marginalisés qui vivent dans l’insécurité alimentaire. Le Canada, l’Australie et le secteur privé ont continuellement soutenu les Etats-Unis dans leur position selon laquelle la croissance économique, le renforcement des marchés et des investissements sont absolument essentiels pour éradiquer la pauvreté. Par conséquent, ils se sont systématiquement opposés - ou ont tenté d’affaiblir - toute mesure de nature à dépasser les mécanismes de marché telles que la restitution, la redistribution, les mesures garantissant la sécurité de l’occupation ou les garanties lors des investissements en faveur des peuples indigènes, des paysans, des pêcheurs, des femmes et des pasteurs nomades.

L’hostilité généralisée des Etats de se référer aux obligations existantes en matière de droits humains en relation avec la terre, la pêche et les forêts fût particulièrement préoccupante. Craignant que les Directives ne créent de nouvelles obligations ou ne deviennent trop contraignantes, de nombreux gouvernements ont mis tout en œuvre pour affaiblir les formulations de langage et les recommandations des Directives. Vis-à-vis des peuples indigènes, cette attitude a été particulièrement inquiétante : en effet, suite aux négociations, le texte des Directives est bien en deçà des droits et obligations reconnus par la Déclaration des Nations Unies ?sur les droits des peuples autochtones. Plusieurs heures de négociation avec le Canada et les Etats-Unis ont été nécessaires pour leur faire accepter d’intégrer, dans le texte des Directives, le droit des peuples indigènes au consentement libre, informé et préalable (CLIP) tel que consacré dans la Déclaration des Nations Unies ! De plus, la possibilité d’inclure un principe de consultations basé sur le principe du CLIP pour les autres communautés affectées dont la subsistance dépend des terres, de la pêche et des forêts, a rencontré une vive opposition. Néanmoins, certains progrès ont été réalisés dans la clarification des responsabilités des entreprises par rapport à la tenure des terres, des pêches et des forêts.

Les organisations de la société civile ont eu beaucoup de mal à défendre leurs revendications établies comme minimaux acceptables. Jusqu’à présent, les accords respectent plus ou moins cette base minimale, mais parfois, ils sont nettement en dessous. Compte tenu du principe de négociation existant qui stipule que " rien n’est approuvé tant que tout n’est pas approuvé ", rien ne garantit que les accords actuels ne seront pas réduits à néant en octobre. En effet, certains gouvernements ont accepté des accords dans les groupes thématiques qu’ils ont cherché à édulcorer par la suite en session plénière. Certains gouvernements ont exprimé une inquiétude frileuse face à la participation des organisations de la société civile qu’ils estimaient démesurée. À l’avenir, ils pourraient essayer d’interpréter les règles du CSA pour limiter cette participation. Les organisations de la société civile devront donc redoubler d’efforts lors de la réunion du OEWG en octobre. Plus de pression des peuples est impérative pour orienter positivement le cours des négociations.

Voir le document : Propositions des OSC sur les Directives volontaires

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