Premier jour des négociations sur le traité de l’ONU sur les multinationales : La Belgique et l’UE doivent changer de cap
Palais des Nation-Unies à Genève, le 14 octobre. Le coup d’envoi de la cinquième session de négociations inter-gouvernementales sur le traité contraignant de l’ONU sur les entreprises transnationales et les droits humains est donné. C’est la première fois que les Etats, qui négocient ce traité du 14 au 18 octobre, débattent en session plénière du contenu même de ce traité. Les organisations de la société civile, les syndicats, les fédérations patronales accréditées par l’ONU ainsi que des eurodéputé.e.s, présents en qualité d’observateurs, ont également pris la parole sur le texte.
Entraide et Fraternité, Broederlijk Delen et FIAN Belgium, trois ONG belges représentées à Genève, dénoncent l’attitude irresponsable de l’Union européenne (UE) et le silence de la Belgique, lors de ce premier jour des négociations.
« L’UE ne peut pas s’engager à l’heure actuelle dans ces négociations car nous ne disposons toujours pas d’un mandat pour négocier un traité contraignant pour les entreprises ». Cette déclaration du représentant de l’UE est une nouvelle gifle pour toutes les personnes affectées par les activités des multinationales, dont beaucoup ont leur siège au sein de l’UE. Ces personnes sont, dans la majorité des cas, privées d’un accès à la justice dans les pays des entreprises mères et de réparations pour leurs dommages. Le Rana Plaza au Bangladesh, le déversement d’amiante par Eternit en Inde, le désastre écologique causé par Shell au Nigeria, les accaparements de terres accompagnées des abus des droits humains par SOCFIN en Sierra Leone n’en sont que exemples.
C’est pour mettre un terme à cette impunité que les Etats membres de l’ONU négocient depuis 2014 un traité contraignant sur les entreprises (multinationales) et les droits humains. Or, cinq ans après le début des négociations sur ce Traité, l’UE et ses Etats membres dont la Belgique font encore preuve d’immobilisme, démontrant ainsi une absence manifeste de volonté politique à réglementer les activités des multinationales.
Chaque année, la même excuse pour ne pas s’engager est que l’UE ne dispose pas de mandat – délivré par ses Etats membres - pour négocier. Un prétexte, avancé par le représentant de l’UE : l’absence de « masse critique » d’Etats soutenant le traité. Le représentant de l’UE fait implicitement référence à certains Etats du Nord comme les Etats-Unis, le Canada et l’Australie, absents des négociations. Or, comme l’ont justement souligné trois eurodéputées, dont la Belge Marie Arena, qui ont pris la parole lors de ce premier jour des négociations, cette masse critique serait facilement atteinte si l’UE et les Etats membres s’engageaient dans ces négociations !
Une petite évolution dans l’attitude de l’UE doit, toutefois, être mentionnée. Quasiment muette durant les quatre premières années de négociations, l’UE s’autorise cette fois à poser des questions d’éclaircissement sur le contenu des dispositions du traité au chair-rapporteur et aux expert.e.s universitaires. Ce geste d’ouverture de l’UE reste totalement insuffisant pour nos organisations pour qui il est urgent de s’impliquer réellement dans les négociations.
La Belgique ne peut, pas non plus, rester à l’écart de ces négociations. La recherche d’une position commune de l’UE ne saurait, en effet, l’empêcher d’intervenir sur le contenu même du traité. Soulignons que l’Espagne, également membre de l’UE, a proposé un amendement visant à mettre en évidence dans les dispositions du traité l’impact particulièrement négatif de certains agissements des entreprises sur les femmes.
A l’entame de ce deuxième jour des négociations, nos organisations lancent un appel urgent aux Régions de Belgique (Wallonie, Bruxelles et la Flandre) pour qu’elles passent de la parole à l’acte en exhortant immédiatement l’Etat belge à s’engager dans l’élaboration du traité contraignant sur les entreprises et les droits humains. Rappelons, en effet, que ces trois gouvernements régionaux ont inscrit, dans leurs accord politiques respectifs, un engagement claire à réguler les entreprises à l’échelle internationale en soutenant notamment ce traité de l’ONU[1].