Rapport d’activité 2021
Le monde connait son 3ème choc alimentaire de ces quinze dernières années ; les prix s’envolent, l’accès des pauvres et des marginalisés se réduit, et aucune solution internationale réelle et efficace n’a été adoptée. Les organisations internationales, les États et le secteur privé appellent cela une «crise alimentaire», une «tempête parfaite» de covid-19, l’invasion de l’Ukraine, le changement climatique et les goulets d’étranglement logistiques. Pourtant, il ne s’agit ni d’une crise, ni d’une crise alimentaire.
Ce n’est pas une crise parce que ce n’est pas un événement inattendu et imprévisible : en fait, c’est la conséquence inévitable d’un système alimentaire mondial basé sur le commerce à longue distance, la dépendance à l’égard de quelques pays fournisseurs de nourriture, la dépendance aux engrais chimiques (dont le prix a été démultiplié suite à l’embargo contre la Russie), l’intensification du changement climatique, et le manque de soutien réel et adéquat aux systèmes alimentaires locaux, agroécologiques et autonomes qui garantissent l’accès territorial à la nourriture et sont plus résilients face aux chocs.
D’un autre côté, nous n’assistons pas à une crise alimentaire car les causes profondes ne résident pas dans l’absence de nourriture mais dans son utilisation non durable comme matière première et comme biocarburant, dans la concentration du pouvoir entre les mains de quelques commerçants opérant le long des chaînes alimentaires, dans la spéculation financière sauvage qui traite la nourriture comme n’importe quelle autre marchandise plutôt que comme un composant essentiel de la vie et de l’écosystème.
Plutôt qu’une crise alimentaire, nous sommes donc plutôt au milieu d’un autre moment de révélation de la fragilité des fondations du système corporatif. L’alimentation étant l’un des secteurs dans lequel il est le plus visible.
C’est pourquoi FIAN Belgium a suivi de près le déroulement du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, sans y participer ni le reconnaître comme un forum de discussion légitime. Le Sommet a été annoncé comme une opportunité de réunir toutes les parties du système alimentaire autour d’une même table, mais il n’a été qu’une autre façon de reproduire le déséquilibre existant des pouvoirs, de présenter les solutions des entreprises plutôt que de remettre en question leur rôle dans la production de la crise actuelle, et de promouvoir la libéralisation du commerce et les techno-solutions au lieu de reconnaître la nécessité de changer de vitesse et de construire les futurs systèmes alimentaires autour des connaissances, des droits et des visions des peuples autochtones, des paysans, des travailleurs agricoles et des pêcheurs qui nourrissent les gens et la planète.
En raison de la portée mondiale du système alimentaire des grandes entreprises, nous avons intensifié notre soutien à la réalisation du droit à l’alimentation dans le Sud, tout en renforçant notre partenariat avec les petits agriculteurs et les paysans du Nord, ainsi que notre rôle de défenseur du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire au niveau régional (Wallonie, Flandre et Bruxelles), fédéral et européen. Chez FIAN Belgium, nous croyons en l’importance des campagnes et des efforts coordonnés qui reconnaissent la nature interconnectée des défis et l’importance des solutions qui sont basées sur la diversité des acteurs de l’alimentation et la communalité de leurs luttes.
Par exemple, le 15 mars, nous avons co-organisé et participé à une action contre le Forum du Futur de l’Alimentation visant à dénoncer la production et l’exportation de pesticides et d’engrais belges interdits dans l’Union européenne. De même, nous poursuivons nos activités de plaidoyer au niveau de l’UE afin de nous assurer que la stratégie «de la ferme à la fourchette» soit ancrée dans des principes de justice socio-écologique pour tous et tous les territoires qui alimentent l’UE, et pas seulement pour l’UE elle-même.
Des temps comme ceux que nous vivons actuellement montrent la nécessité de s’éloigner du système alimentaire mondial corporatif. Dans le même temps, cependant, ils offrent des opportunités d’intensifier le même modèle qui nous a amené ici, comme nous l’avons vu avec l’utilisation de la guerre en Ukraine pour remettre en question les objectifs de durabilité de la ferme à la fourchette. Le chemin à parcourir sera semé d’embûches, mais je suis convaincu que le temps est venu de réaliser le changement pour lequel FIAN Belgium et des millions d’autres alliés à travers le monde ont plaidé.
Tomaso FERRANDO - Président de FIAN Belgium