« Un vrai champ de mines »
Bruxelles, le 28 novembre 2022 - FIAN rejoint plus de 170 organisations de la société civile qui, sous la houlette de la coalition de campagne Zéro Réel Europe, ont critiqué la proposition de la Commission européenne sur le mécanisme de compensation par certificats d’absorption de carbone. Elles déclarent que la proposition, révélée par une fuite de document, présente de nombreux signes d’alerte : « Un vrai champ de mines ».
Ces critiques interviennent quelques jours avant la publication de la proposition législative de la Commission relative à un nouveau cadre de certification d’absorption du carbone, qui décrit les plans de l’UE pour l’approbation au sein de son territoire de nouvelles compensations par élimination du carbone (en anglais Carbon Dioxide Removal, CDR). Cette proposition fait également suite à des réactions négatives lors de la COP27, au cours de laquelle des fonctionnaires de l’UE ont été accusés d’avoir recours à des « astuces comptables » en matière d’élimination du dioxyde de carbone.
La proposition a suscité l’inquiétude des groupes de justice climatique et des défenseurs de l’environnement, l’alimentation, des mouvements paysans, des organisations de développement ou religieuses, ainsi que celle d’expert⋅es de toute l’Europe et d’ailleurs. Plus de 170 organisations ont signé la déclaration de Zéro Réel Europe, qui demande à l’UE de « mettre en œuvre dès maintenant des réductions d’émissions réelles et profondes », au lieu de générer une fausse confiance dans des CDR non prouvées. Elles affirment que la proposition retardera l’adoption de mesures réelles et fera manquer aux gouvernements la fenêtre qui se ferme rapidement pour maintenir les températures mondiales en dessous de 1,5 degré de réchauffement en bloquant les combustibles fossiles pour les décennies à venir.
Au début du mois, l’Union européenne a été critiquée lors des négociations sur le climat de la COP27 pour avoir utilisé des « astuces comptables », en utilisant des estimations actualisées de CDR dans les sols pour affirmer que le bloc avait augmenté son objectif de réduction des émissions depuis la COP26.
La proposition encourage les solutions techniques qui prolongent l’utilisation de combustibles fossiles, telles que la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECCS) et le captage et le stockage directs du carbone atmosphérique (DACCS), ainsi qu’une initiative controversée appelée « agriculture carbone ». Selon les militant⋅es, il existe un réel danger que l’UE détourne l’attention du travail essentiel que représente l’élimination progressive des combustibles fossiles, pour se tourner vers des technologies spéculatives et une séquestration terrestre éphémère.
Après la COP27 - où la présence des lobbyistes de l’industrie des combustibles fossiles a atteint un nouveau sommet, diluant les résultats de la conférence - les militant⋅es ont averti que les entreprises de combustibles fossiles et les grandes entreprises agricoles ont eu une influence néfaste sur la proposition de la Commission.
Lucy Cadena, coordinatrice de la campagne Zéro Réel Europe, a déclaré :
« Cette proposition présente des signes alarmants pour les communautés climatiques, environnementales et agricoles en Europe et au-delà. L’UE mise gros sur des absorptions non prouvées dans le cadre de sa stratégie visant à atteindre le ’ zéro net ’ - mais les enjeux sont bien trop élevés. Chaque tonne d’absorption de carbone promise à l’avenir représente un retard dans la réduction des émissions aujourd’hui, ce qui nous plonge davantage dans le chaos climatique. La COP27 a révélé le greenwashing des entreprises qu’est le ‘zéro net‘, avec l’omission de l’élimination progressive des combustibles fossiles dans les accords finaux. Nous ne pouvons pas laisser les pollueurs historiques comme l’UE s’en tirer à bon compte. Nous exigeons une approche ‘Zéro réel’ de l’action climatique, et des réductions profondes et durables des émissions de carbone dans les prochains mois et années. »
Jean Mathieu Thévenot, paysan et membre de la Coordination européenne Via Campesina, a déclaré :
« L’agriculture carbone est un projet aux conséquences néfastes, sans viabilité pour les paysans et paysannes et sans effet pour lutter contre le changement climatique. C’est un paiement injuste, basé sur le bon vouloir de multinationales qui cherchent à améliorer leur image sans modifier leurs pratiques polluantes. L’Union Européenne devrait sans tarder mettre en œuvre des politiques de réductions réelles des émissions, et promouvoir une transition juste pour tous les paysans et paysannes vers une approche agroécologique de l’agriculture. »
Contact presse
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Notes aux rédacteurs :
- La déclaration Zéro Réel Europe est encore en train de recueillir des signatures. La déclaration et la liste complète des signataires sont disponibles à l’adresse https://www.realsolutions-not-netzero.org/real-zero-europe.
- La campagne Zéro Réel Europe est l’initiative d’une coalition d’organisations de la société civile visant à dénoncer le greenwashing des entreprises en faveur du « zéro net » en Europe, à résister aux fausses solutions et à faire pression pour de vraies solutions, de vraies réductions d’émissions et le Zéro Réel en Europe.
- Un rapport intitulé « Carbon Farming : How big corporations are driving the EU’s carbon removals agenda » par l’Institute for Agriculture & Trade Policy (IATP), est publié ce lundi 28 novembre à l’adresse https://www.iatp.org/big-corporations-driving-eus-carbon-farming-agenda.
- Un rapport intitulé « Carbon capture from biomass and waste incineration : Hype versus reality » par Biofuelwatch, est publié ce lundi 28 novembre à l’adresse https://www.biofuelwatch.org.uk/2022/biomass-and-msw-ccs-report/.
- Lors de la COP27, le commissaire Frans Timmermans a annoncé que l’UE réduirait ses émissions de gaz à effet de serre de 57 % (au lieu des 55 % promis précédemment) d’ici 2030, bien qu’un examen plus approfondi ait révélé qu’il n’y aurait aucun changement dans la quantité réelle d’émissions réduites et que les 2 % « supplémentaires » provenaient des chiffres révisés des ‘absorptions’..
- Le brouillon fuité de la proposition de la Commission consulté par la campagne Zéro Réel Europe faisait très peu référence aux combustibles fossiles ou à leur élimination progressive, faisant ainsi écho aux préoccupations exprimées lors de la COP27.
- Unrapport récent, qui a regroupé les engagements de tous les gouvernements en matière de climat, a calculé que la quantité de terres nécessaires pour réaliser l’ensemble de l’effort climatique prévu était de 1,2 milliard d’hectares, soit à peu près la totalité de la base de la production alimentaire mondiale. Cette dépendance excessive à l’égard des prélèvements à forte intensité de terres est illustrée par la proposition de la Commission, qui prévoit d’introduire « l’agriculture carbone » en Europe - un système visant à inciter les pratiques agricoles et forestières qui séquestrent le carbone dans les puits terrestres.
- La proposition indique également un soutien accru aux techniques spéculatives d’extraction, telles que la bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECCS) et le captage et le stockage directs du carbone dans l’air (DACCS). Cependant, ces technologies - surnommées « technologies de prolongation des fossiles » par les militant⋅es - n’ont jamais prouvé leur efficacité à grande échelle, sont d’un coût prohibitif, polluantes et présentent des risques pour la biodiversité, la souveraineté alimentaire et les droits humains.