Des ONG de solidarité Nord-Sud et de défense des droits humains dénoncent les nouvelles poursuites-bâillons du groupe agro-industriel SOCFIN
Du 2 au 5 décembre, 4 ONG et 7 de leurs employé.e.s ont été appelé.e.s à comparaître devant un juge d’instruction au Luxembourg suite à une plainte en diffamation initiée par la multinationale agro-industrielle SOCFIN.
Bruxelles, 5 décembre 2019 - SOCFIN est un groupe agro-industriel spécialisé dans la culture de palmiers à huile et d’hévéa (caoutchouc). Le groupe est contrôlé par l’homme d’affaire belge Hubert Fabri (54,2% des parts) et par le français Vincent Bolloré (39% des parts). Depuis plusieurs années, SOCFIN poursuit l’expansion de ses plantations dans plusieurs pays d’Afrique et d’Asie. Au total, la multinationale contrôle plus de 400.000 ha de terres (ce qui représente plus de 1,5 fois le territoire du Luxembourg) et ses plantations sont passées de 129.658 ha à 194 300ha ha entre 2009 et 2018.
Cette expansion s’effectue au détriment des petits paysans et s’accompagne souvent de violations des droits des communautés locales, de conflits fonciers, de risques de déforestation, de pollutions, de mauvaises conditions de travail, de criminalisation des défenseurs des droits humains, etc.
Ces impacts ont été documentés dans de nombreux rapports d’ONG et articles de presse mais aussi par les instances des Nations Unies. Pour tenter de faire taire les critiques, les groupes SOCFIN et Bolloré mènent régulièrement des actions en justice. Depuis dix ans près d’une trentaine de procédures en diffamation ont été lancées contre des ONG et journalistes. Le systématisme de ces procédures démontre une véritable stratégie de poursuites-bâillons. Bien que presque jamais couronnées de succès, ces procédures visent à intimider les ONG et journalistes, à les réduire au silence et à les fragiliser financièrement.
Les nouvelles plaintes pour calomnies, injures et violation de la vie privée sont portées par le groupe SOCFIN et par Hubert Fabri. Elles portent sur un rapport de l’ONG de droits humains FIAN Belgium en Sierra Leone, ainsi que sur une série de communiqués des ONG incriminées (11.11.11, CNCD-11.11.11, FIAN Belgium, SOS Faim Belgique et SOS Faim Luxembourg) et une action de sensibilisation menée lors de l’Assemblée générale de SOCFIN au Luxembourg en mai 2019. Cette action menée de manière totalement pacifique visait à sensibiliser le public sur la situation des communautés affectées et à interpeller les dirigeants de l’entreprise.
Parallèlement à ces poursuites, les ONG ont été informées qu’une procédure pour diffamation a également été lancée par SOCFIN en Sierra Leone contre un défenseur des droits humains de l’ONG Green Scenery.
Les ONG poursuivies dénoncent ces tentatives d’intimidation, d’autant qu’elles ciblent personnellement leurs employé.e.s.
Les avocats des ONG, Maîtres Jacques Englebert (Belgique) et Pierre Hurt (G.-D. du Luxembourg), déplorent également ces pratiques et insistent : « les ONG attaquées jouent un rôle essentiel en tant que défenseur des droits fondamentaux. Elles sont, à ce titre, des "chiens de garde de la démocratie" et leurs expressions bénéficient en conséquence d’une protection particulière, notamment en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme. Leur liberté d’expression doit être protégée à tout prix. En effet, elle constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun ».
Les ONG concernées contestent vivement les accusations de SOCFIN et affirment avoir pris les diligences nécessaires pour assurer que les faits dénoncés dans les rapports et communiqués publiés sont exacts et présentent un intérêt public. Elles précisent qu’elles sont déterminées à continuer à défendre les droits des communautés locales affectées et s’inscrivent dans la lignée de la campagne initiée en France sous le slogan #OnNeSeTairaPas.
Signataires :
11.11.11
CNCD-11.11.11
FIAN Belgium
SOS Faim Belgique
SOS Faim Luxembourg
Contact presse :
En Belgique :
[FR] Florence Kroff - FIAN Belgium : +32 475 84 56 24 / florence@fian.be
[NL] Hanne Flachet - FIAN Belgium : +32 484 96 04 30 / hanne@fian.be
Au Luxembourg :
[FR] Marine Lefebvre, SOS Faim Luxembourg : +352 49 09 96 26 – mlef@sosfaim.org
Note aux rédacteurs :
Définition des « poursuites-baîllons » :
La poursuite-bâillon, peut se définir comme étant une action en justice visant à entraver la participation politique et le militantisme. Il s’agit le plus souvent d’une poursuite civile pour raison diffamatoire, intentée contre un individu ou un organisme ayant pris parti dans le cadre d’un enjeu public. Le concept inclut également les menaces de poursuite, car le succès d’une telle opération ne découle pas tant d’une victoire devant les tribunaux que du processus lui) même, visant à intimider la partie défenderesse (celle attaquée) ou l’épuiser financièrement dans le but de la réduire au silence. Ainsi, le plaignant s’en prendra généralement à des individus isolés ou des organismes de petite taille, et brandira la menace de dommages-intérêts démesurés par rapport au tort qui lui est prétendument causé. Si les menaces n’ont pas l’effet désiré, des procédures judiciaires seront entamées, ce qui aura l’effet de transformer un enjeu public en litige privé. Toutes les ressources financières et humaines du défendeur seront alors monopolisées par sa défense, au détriment de la promotion de la cause socioéconomique, environnementale ou culturelle qui lui tient à coeur ». (définition reprise de Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Poursuite_strat%C3%A9gique_contre_la_mobilisation_publique).
Personnes physiques et morales incriminées :
Les ONG et employé.e.s incriminées sont : FIAN Belgium (et 3 employé.e.s), SOS Faim Belgique (et un employé), SOS Faim Luxembourg, CNCD-11.11.11 (et 2 employés), ainsi que la directrice de 11.11.11.