Des terres pour nous nourrir !
Avec cette carte blanche passionnée, publié le 13 décembre 2021, Boerenforum demande une solution différente aux problèmes auxquels les paysan.ne.s sont confronté.e.s aujourd’hui. Une solution qui améliore le climat, l’environnement, la biodiversité et l’état des sols, et qui apporte en même temps plus de justice sociale, ici et dans le Sud. Une autre voix dans les manifestations des agriculteurs !
Tijs Boelens : "Nous voulons des terres pour la nourriture ! (Photo : Journée internationale des luttes paysannes, 17 avril 2021, FIAN Belgium)
Les agriculteurs et agricultrices sont à nouveau dans la rue en ce mois de décembre. Tonnerre de tracteurs et regards furieux. Les gyrophares scintillent comme des fourches dans la lumière d’hiver.
Avec le Boerenforum, nous fouillons dans les revendications et voulons soutenir nos collègues. Mais nous voulons aussi de la nuance. Nous ne voulons pas d’un modèle agricole tordu qui pulvérise les frontières de la planète et laisse nos collègues du Sud au pain sec.
Nous, les agriculteurs qui contribuent à façonner notre organisation et un modèle agricole durable, voulons une politique agricole équitable. Nous voulons que le secteur primaire fasse vivre les agriculteurs, et pas seulement les fournisseurs, les conseillers, les distributeurs et les transformateurs. Un salaire équitable pour un travail équitable.
Nous soutenons les ambitions durables
Nous ne voulons pas tirer sur les ambitions européennes de Farm to Fork ou du Green Deal. Nous pensons que ces plans européens ambitieux pour un avenir durable sont urgents et offrent des opportunités pour évoluer vers un modèle agricole résilient. Dans le même temps, il semble que pour nos politiciens européens, le verdissement de l’Europe doive se faire selon les principes du marché mondial globalisé. Dans le bleu dur de la tradition néo-libérale. Il n’est donc pas question de s’attaquer aux excès de cette économie dure et de la réglementation du marché, qui sont pourtant indispensables.
Une alimentation saine accessible pour tous
Le credo de la politique agricole européenne des années 1960 à aujourd’hui était : “Plus c’est gros, mieux c’est”. Grâce au robinet à subventions, au lobby des produits chimiques et aux négociations avec les grandes banques, les agriculteurs flamands ont été encouragés à maintes reprises à grandir. Mais cela s’est fait au détriment des réserves naturelles qui gémissent sous l’activité humaine. Avec la nouvelle législation sur l’azote, une réduction nécessaire du cheptel est en vue. Mais comment concilier cela avec la politique menée au cours des 60 dernières années ? Et comment donner à nos agriculteurs un avenir décent dans le nouveau modèle sans faire disparaître leur main-d’œuvre bon marché ? L’ABS et Bioforum ont déjà tiré la sonnette d’alarme avec leur lettre ouverte et nous demandons nous aussi une politique judicieuse en matière d’azote qui permette de maintenir les petites et véritables exploitations familiales sur les rails.
Au Boerenforum, nous aimerions entendre un nouveau credo pour l’Europe de demain : “Une alimentation saine accessible pour tous”. Ne serait-ce pas vraiment innovant ? Et cela ne nous aiderait-il pas également à nous éloigner de ce maudit modèle de responsabilité individuelle, où le doigt est pointé à la fois sur le consommateur et sur l’agriculteur ?
À cet égard, l’analyse de Dirk Draulans (Knack, 30/11/2009) est frappante. Il aborde certains points douloureux, mais s’enlise ensuite dans une recherche de Père Fouettard. Cependant, au Boerenforum, nous ne croyons plus au Père Fouettard et, après les faillites désastreuses dans nos milieux agricoles, nous ne croyons plus au Père Noël Subventions qui voulait que nous grandissions. Et cela nous amène à une vision correcte, une vision sociétale. Ce n’est pas l’agriculteur ou l’assiette qui est coupable. Aucun fermier ou fermière n’est coupable. Nous avons suivi docilement les tendances du marché, les conditions de prêt et de subvention.
Réunion de Boerenforum (Photo : Boerenforum)
L’avenir appartient aux petits acteurs : un modèle d’agriculture agro-écologique
Un modèle agricole agro-écologique, à petite échelle et convivial a de l’avenir. Et c’est ce modèle agricole ou une autoroute en furie avec des tracteurs toujours plus lourds, des camions toujours plus nombreuses avec des marchandises d’importation et d’exportation et des paysages toujours plus vides que nous devons choisir. L’éternel credo selon lequel un modèle agricole pacifique ne peut pas nourrir notre région est devenu obsolète. Avec une consommation de carburant bien moindre et sans insensé carrousel de soja, notre modèle agricole produit suffisamment de nourriture pour une communauté ayant un mode de consommation agro-écologique.
Ne vous inquiétez pas, cher amateur de viande : cela inclut les tripes et un bon steak de temps en temps. Ces tripes et ces steaks proviennent d’un type d’élevage où le bétail va de pair avec le développement d’espaces naturels et l’entretien de notre paysage agricole, ou d’un élevage de porcs ou de volailles spécialisé dans la transformation des flux résiduels.
Cette approche plus extensive de l’élevage est payante en temps de crise. Les prix des céréales sur le marché international s’envolent actuellement. Les exploitations agricoles qui ont besoin du marché international, l’exploitation d’une main d’œuvre bon marché dans le sud et la production de soja au détriment des forêts tropicales sont sur les genoux dans cette crise. Dans un monde marqué par le changement climatique et les tensions internationales, le choix de ce modèle agricole plus pacifique relève donc du “bon sens”.
Bloc pour l’agriculture agro-écologique à #BackToTheClimate 2021 (photo : FIAN Belgium)
Développement d’un centre d’appui, comme pour les agriculteurs wallons
De cette vision sociétale, nous voulons tirer parti des petits acteurs de notre agriculture. En termes d’échelle et souvent aussi en termes de pratique, ils sont prêts pour une transition, mais les autorités et les enquêtes ne sont pas à la hauteur des attentes. Ils viennent pour des inspections et maintiennent ces petites exploitations en esclavage avec leur politique de subventions, au lieu de les aider dans la bonne direction.
Avec le Boerenforum, nous sommes prêts à développer un centre de soutien comme DiversiFERM, qui aide les exploitations pour lesquelles le tourbillon économique devient trop dur, au regard de leurs possibilités financières. Comme notre organisation partenaire wallonne FUGEA, nous voulons accroître l’autonomie de ces exploitations et permettre la transition vers un modèle agricole d’avenir. Mais nous ne pouvons pas le faire seuls, en tant que petit acteur. L’UE a de l’ambition avec le Green Deal. Elle dispose également du budget nécessaire pour y parvenir : après tout, plus des ⅓ du budget européen sont consacrés à l’agriculture. Cela devrait permettre de faire comprendre aux agriculteurs que nous devons prendre du recul. Pour libérer de l’argent afin de construire des sorties de l’autoroute de l’agriculture industrielle, vers les petites routes de campagne de l’agriculture paysanne.
Nos exigences
- La fin du modèle de la dette individuelle – ne pas pénaliser les exploitations non respectueuses de l’environnement, mais les aider à sortir de l’impasse.
- Une régulation du marché et des prix qui favorise une stratégie alimentaire régionale et soulage tous les agriculteurs, qu’ils soient régionaux ou non européens.
- L’accès aux terres agricoles, aux bâtiments et aux logements est privilégié pour les producteurs de notre alimentation régionale : “land for food”. La politique offre une sécurité juridique à cet égard tout au long de leur vie professionnelle.
- Les ressources nécessaires à une véritable chaîne courte : un réseau logistique indépendant et public entre l’agriculteur, le transformateur et le magasin local. Et un soutien pratique aux agriculteurs qui s’organisent pour développer cette filière courte de manière équitable.
- Sécurité des revenus des agriculteurs, des exploitants et des réseaux pendant leur recherche et transition vers des techniques durables et des variétés robustes adaptées à la réalité agricole flamande.
- Une politique agricole commune qui aide pleinement les agriculteurs à réaliser un Green Deal et un Farm2Fork et qui est basé sur l’emploi au sein de l’entreprise et non sur sa taille physique.
- Soutien aux transformateurs qui relèvent le défi d’unir et de renforcer les petits acteurs de notre secteur primaire.
- Des conseillers indépendants en transition qui aident les agriculteurs à transformer la charge économique pesant sur leurs entreprises en une incitation à devenir plus durables.
- L’administration agricole européenne et régionale passe d’un organe de contrôle à une administration de soutien. Avec l’agriculteur, le ministère de l’agriculture et de la pêche détermine ce à quoi il a droit et ce dont il a besoin.
- La reconnaissance des organisations d’agriculteurs qui ne coopèrent pas avec l’agro-industrie, mais qui impliquent l’agriculteur, la nature et la société dans les défis du métier d’agriculteur, à savoir une production alimentaire qui est LEF (Localement Ecologiquement Juste).
- Le soutien du gouvernement aux faibles revenus afin de permettre l’accès à un mode de consommation durable.
- L’enseignement dans les lycées agricoles qui envisagent la pratique agricole dans une perspective écologique et l’enseignement de la “nutrition” et de la transformation à tous les niveaux d’enseignement (de la maternelle à l’enseignement supérieur).
- Apprécier, beaucoup mieux apprécier notre nourriture et l’agricultrice ou l’agriculteur environnant.
Tracteurs du Boerenforum lors de la manifestation pour le climat, #BacktoTheClimate, 10 octobre 2021 (Photo : FIAN Belgium)