24 juillet 2024
SOFI 2024 : Les nouveaux chiffres de la faim dans le monde

Le système économique mondial contribue à la faim et la malnutrition

Communiqué de presse

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a publié aujourd’hui les derniers chiffres de la faim dans le monde. Selon ces chiffres, environ 733 millions de personnes souffrent de faim chronique. 2,33 milliards de personnes - près de 30 pour cent de la population mondiale - sont en situation d’insécurité alimentaire modérée à sévère. Plus de 2,8 milliards de personnes n’ont pas les moyens de se nourrir sainement.

[Cologne - 24 juillet 2024] "Depuis longtemps déjà, nous produisons plus de nourriture qu’il n’en faut pour nourrir le monde. Les plus grands problèmes sont l’augmentation de la pauvreté, l’endettement de nombreux États ainsi que les inégalités majeures dans l’accès aux terres agricoles, à l’eau et aux semences, c’est-à-dire les facteurs de base pour la production alimentaire. Pour lutter contre la faim, les réformes agraires et l’annulation de la dette doivent être des priorités. À court terme, les transferts en espèces sont également très efficaces", explique Philipp Mimkes, directeur de FIAN Allemagne qui plaide pour un changement de cap dans la politique alimentaire mondiale.

Lire le Résumé du Rapport SOFI de la FAO

Au niveau mondial, de plus en plus de ressources sont accaparées par un petit nombre de sociétés agroalimentaires et d’investisseurs. Or, les revenus des immenses monocultures finissent majoritairement dans les mangeoires du bétail et les réservoirs de nos voitures. FIAN critique le fait que la FAO mise malgré tout sur des " financements innovants " encourageant le secteur privé à agir dans la lutte contre la faim. Les inégalités d’accès aux ressources pourraient ainsi s’accroître. "Notre système alimentaire marginalise toujours plus les personnes les plus touchées par la faim. Pourtant, ce sont précisément les groupes les plus discriminés - les femmes, les communautés de petits paysans, les peuples indigènes, les familles de pêcheurs - qui continuent à nourrir la majorité de la population mondiale, et non les sociétés agroalimentaires à fort capital", poursuit Mimkes.

2024 marque le 20e anniversaire de l’adoption des Directives de la FAO sur le droit à l’alimentation. Ces Directives ont été le premier instrument des Nations Unies à être négocié avec la participation active de groupes marginalisés. Elles définissent une approche de la sécurité alimentaire basée sur les droits humains. « Avec les Directives sur le droit à l’alimentation, la FAO a posé il y a 20 ans un jalon pour la participation sociale au sein des Nations Unies. Ces Directives ont été le cadre de base pour de nombreux autres instruments de droit international sur le droit à l’alimentation, qui ont vu le jour depuis grâce à l’engagement des mouvements sociaux. Nous pourrions accomplir tant de choses en mettant en œuvre ces Directives ! Il est d’autant plus regrettable qu’en cette année historique, le Rapport de la FAO sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2024 continue de se focaliser sur l’augmentation des quantités de production mondiale par le biais d’investissements privés, au lieu de renforcer la participation sociale par le biais d’un soutien public, afin de s’attaquer au problème plus profond de l’inégalité", souligne Mimkes.

Le Brésil est un exemple de la manière dont l’application d’une approche basée sur les droits humains permet de faire reculer la faim. Rien qu’entre 2022 et 2023, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire a été réduit de 13 millions. Au cœur du modèle brésilien se trouve le Conseil national de l’alimentation CONSEA - un système complexe de participation sociale qui permet à la société civile de prendre part aux décisions politiques aux niveaux local, régional et national. Accompagné d’autres mécanismes basés sur les droits humains, tels qu’une sécurité sociale publique, la promotion de l’agroécologie et des programmes d’alimentation scolaire, le Brésil est en bonne voie pour sortir de la carte de la faim.

Parallèlement, l’exemple de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) illustre les lacunes d’une lutte contre la faim axée sur le productivisme et la technologie : en l’espace de 15 ans, le projet généreusement financé par les fondations Gates et Rockefeller ainsi que par des États tels que les États-Unis et l’Allemagne devait réduire de moitié l’insécurité alimentaire dans 20 pays africains. La distribution et l’utilisation accrues de semences commerciales à haut rendement, d’engrais synthétiques et de poisons agricoles devaient "moderniser" l’agriculture africaine. Mais au lieu de réduire la faim, seuls les agriculteurs les plus riches en ont profité. Dans les 13 pays prioritaires, le nombre de personnes souffrant d’une faim extrême a augmenté de 30 pour cent.