21 novembre 2016

Les semences appellent à une action européenne basée sur les droits humains

18/11/2016- Le lancement européen de l’Observatoire 2016 du droit à l’alimentation et à la nutrition a constitué le tout premier débat public sur la dimension internationale des politiques et de la réglementation sur les semences au sein du Parlement européen, ainsi que sur le rôle implicite de l’Union européenne.

Le lancement européen de l’Observatoire 2016 du droit à l’alimentation et à la nutrition a constitué le tout premier débat public sur la dimension internationale des politiques et de la réglementation sur les semences au sein du Parlement européen, ainsi que sur le rôle implicite de l’Union européenne. Le rapport arrive à point nommé, dans un contexte où l’UE signe des accords commerciaux et où des fusions entre géants de l’industrie des semences (Bayer & Monsanto ; ChemChina & Syngenta ; DuPont & Pioneer) menacent d’ôter en la matière tout pouvoir et toute autonomie aux peuples. Rassemblant des membres de la Commission européenne, du Parlement européen, de mouvements sociaux et d’organisations de la société civile, le débat a souligné que les semences ne sont ni une marchandise, ni une invention scientifique.

Ouvert par l’eurodéputée du groupe des Socialistes et Démocrates Maria Noichl, l’évenement a rappelé que la diversité des semences est indispensable à la sécurité alimentaire et à l’adaptation au changement climatique. La majorité de la population mondiale est nourrie par des paysans – de Colombie, du Guatemala, du Sénégal ou du Népal - qui ont développé et conservé les semences au fil des millénaires. Or, la tendance actuelle des politiques est de limiter de plus en plus l’accès des paysans aux semences et leur échange, et ainsi d’aggraver la détérioration de la biodiversité agricole.

Le manque de protection menace tout un patrimoine

Comme l’a rappelé l’eurodéputée du groupe des Verts/ALE Maria Heubuch, les discussions portent depuis des années sur les intérêts de l’industrie des semences plutôt que sur « ceux qui nourrissent réellement le monde ». « Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre le patrimoine constitué par les paysans. Il constitue la base de notre alimentation quotidienne et donc de notre propre existence. Si nous limitons l’accès des paysans aux semences, nous prenons le risque de perdre ces ressources génétiques et les connaissances inhérentes à l’ensemencement, à l’échange et au stockage des semences. Si les paysans perdent, c’est l’humanité tout entière qui est perdante », a-t-elle déclaré.

La protection a été un sujet particulièrement brûlant de l’événement. Sofia Monsalve, Secrétaire générale de FIAN International, a dressé un parallèle avec les Directives pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts pour souligner la nécessité impérieuse de reconnaître les régimes coutumiers et informels. « Les cadres juridiques existants sur la protection des variétés végétales font totalement l’impasse sur ces régimes, y compris sur les droits d’obtenteur ; c’est une problématique fondamentale qui doit être traitée, comme on l’a fait pour les Directives sur le foncier ».

Par la même occasion, les eurodéputés ont souligné que les politiques devraient en effet protéger et soutenir les systèmes de semences paysannes : il n’est pas « convenable » que l’Union européenne promeuve la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (Convention UPOV) dans les pays en développement. Il faut réglementer la protection de la sélection, du stockage, de la conservation, de l’échange et de la vente des semences par les paysans, afin de ne pas restreindre ces pratiques à un usage commercial. Cette protection devrait figurer dans les accords commerciaux et dans la réglementation relative à la propriété intellectuelle.

Les droits humains doivent prévaloir dans les politiques européennes de sécurité alimentaire

Dans toute approche basée sur les droits humains, l’accès aux semences, aux végétaux et aux animaux est considéré sous l’angle d’une relation à la nature collective et en constante évolution, où que ce soit dans le monde. Cela signifie que les systèmes paysans, qui sous-tendent la biodiversité agricole, devraient être reconnus, protégés et encouragés par les États.

S’adressant au panel, le représentant de la Commission européenne de la Direction générale Coopération internationale et développement international (DEVCO) Bernard Rey, a déclaré que la Commission s’est engagée à développer la sécurité alimentaire et nutritionnelle à l’échelle mondiale et ce suivant une approche basée sur les droits humains. Soulignant que l’on ne peut atteindre la sécurité alimentaire et nutritionnelle que d’une manière durable, M. Rey a reconnu le rôle des semences à cet égard. Selon lui, les espaces politiques tel que le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) sont fondamentaux pour la promotion de la biodiversité agricole.

La députée Maria Heubuch a clôturé l’événement en soulignant que la production et la sélection des semences ont toujours appartenu aux paysans. « Les paysans n’ont jamais dit « cela m’appartient et personne d’autre ne peut y avoir accès ». On ne peut limiter l’accès des paysans aux semences en restreignant leurs droits et leur usage sur cette propriété matérielle et intellectuelle. Je vois là un déséquilibre énorme en terme de justice. Nous devons ensemble joindre nos forces pour continuer à soutenir les luttes contre la marchandisation des semences et pour le droit à la terre, à l’eau et aux semences », a-t-elle conclu.

Pour les questions liées aux médias, contactez delrey[at]fian.org

NOTES À LA RÉDACTION :

- Sous l’égide des eurodéputés Mme Maria Heubuch, Mme Maria Noichl et M. Bart Staes, l’événement a été organisé par Act Alliance, Brot für die Welt et FIAN International, avec le soutien de la campagne Hands on the Land.

- L’Observatoire du droit à l’alimentation et à la nutrition est une publication annuelle qui suit les politiques, processus et thématiques majeurs liés au droit à l’alimentation et à la nutrition aux niveaux mondial, régional, national et local. L’Observatoire est le fruit d’une collaboration au sein du Consortium de l’Observatoire, qui comprend actuellement 24 organisations de la société civile et mouvements sociaux du monde entier.