Priorités pour le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire
A l’approche des élections européennes, fédérales, régionales et locales, FIAN Belgique souhaite proposer ses mesures prioritaires aux partis politiques et à toute personne intéressée. Face au constats qui s’imposent, une solution émerge : mettre le droit à l’alimentation au centre des politiques publiques et d’opérer une transition vers la souveraineté alimentaire et l’agroécologie.
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- Memorandum FIAN : Priorités pour le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire (PDF - 435 Ko)
Table des matières
1. Recommandations pour la Belgique
- 1.1 Consacrer le droit à l’alimentation dans la Constitution, les lois et les politiques
- 1.2 Instaurer une sécurité sociale de l’alimentation
- 1.3 Favoriser des environnements alimentaires sains et lutter contre la malbouffe
- 1.4. Renforcer la souveraineté alimentaire et soutenir la transition agroécologique
- 1.5. Préserver les terres et les ressources naturelles et favoriser leur accès pour une agriculture paysanne agroécologique et nourricière
2. Recommandations pour l’Europe
3. Recommandations pour l’International
- 3.1. Utiliser les droits humains comme boussole de la politique internationale belge
- 3.2. Réguler les entreprises et protéger les défenseurs des droits humains, renforcer la responsabilité des entreprises et lutter contre l’impunité
- 3.3. Mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s
- 3.4. Réaliser le droit à l’alimentation et les droits des paysans à travers les outils de la coopération internationale
Nos priorités
Belgique
- Consacrer le droit à l’alimentation dans la Constitution, les lois et les politiques
- Instaurer une sécurité sociale de l’alimentation
- Favoriser des environnements alimentaires sains et lutter contre la malbouffe
- Renforcer la souveraineté alimentaire et soutenir la transition agroécologique
- Préserver les terres et les ressources naturelles et favoriser leur accès pour une agriculture paysanne agroécologique et nourricière
Europe
- Développer un cadre et des politiques ambitieuses pour la transition des systèmes alimentaires
International
- Utiliser les droits humains comme boussole de la politique internationale belge
- Réguler les entreprises et protéger les défenseurs des droits humains
- Mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s
- Réaliser le droit à l’alimentation et les droits des paysans à travers les outils de la coopération internationale|
Principaux constats
Un constat s’impose : Le système agro-alimentaire industriel est à bout de souffle et menace l’humain et l’ensemble du Vivant.
Une solution émerge : Il est urgent de mettre le droit à l’alimentation au centre des politiques publiques et d’opérer une transition vers la souveraineté alimentaire et l’agroécologie.
Au niveau mondial
- Le monde produit bien assez de nourriture et pourtant nous ne parvenons pas à éradiquer la faim (Holt-Gimenez et al., 2012). Selon les dernières données des Nations Unies, jusqu’à 828 millions souffraient de la faim en 2021 (FAO, 2022). Par ailleurs, quelque 2,3 milliards de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave (FAO, 2022). Des chiffres qui sont en hausse depuis 2015, alors que la communauté internationale s’était engagée à éliminer la faim et la malnutrition d’ici 2030 (ODD n°2).
- Pourtant, depuis 1960, la croissance de la production agricole a plus que triplé, surpassant largement la croissance démographique (OCDE, UN). Contrairement à ce qu’avancent certains lobbies de l’industrie agroalimentaire, le problème de la faim et de la malnutrition n’est donc pas un problème lié à la production ou à des pénuries, mais bien à la pauvreté et aux injustices du système agroalimentaire mondial.
- Les populations paysannes et rurales représentent 80 % des personnes les plus affectées par la pauvreté et la faim (FAO, 2022). Elles sont notamment victimes d’accaparement de leurs terres et de leurs ressources naturelles dont elles dépendent pour leur survie. Et elles sont de plus en plus exposées aux impacts du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité. Malgré l’adoption d’une Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s (UNDROP, 2018), les populations paysannes et rurales continuent faire l’objet de nombreuses discriminations et violations de leurs droits fondamentaux. Une protection renforcée est donc nécessaire pour faire respecter leurs droits (UN, 2022).
- La pandémie de surpoids et d’obésité gagne chaque année du terrain. Près de 1,9 milliards de personnes sont en surpoids (OMS, 2016). Cette situation s’accompagne d’une augmentation des maladies chroniques liées à une mauvaise alimentation. En 2017, 11 millions de décès (soit 1 décès sur 5) étaient attribuables à des facteurs de risque alimentaires (The Lancet 2019).
- Le système agro-alimentaire industriel est responsable de plus d’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre (Nature Food, FAO, 2021) et est le principal responsable de l’effondrement de la biodiversité (IPBES, 2019). D’un autre côté, les alternatives agroécologiques ont un grand potentiel pour lutter contre le dérèglement climatique et régénérer les écosystèmes (HLPE, 2019).
Au niveau européen
- Le droit à l’alimentation et l’accès à une alimentation de qualité est loin d’être une réalité en Europe. En 2021, 8 % de la population européenne était encore confrontée à une insécurité alimentaire modérée ou grave (SOFI, 2022). Et ces statistiques ne tiennent pas encore compte des effets de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et du coût de la vie, suite à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique.
- Contrairement à une idée reçue, l’Europe ne nourrit pas le monde et n’est actuellement pas en mesure d’assurer sa souveraineté alimentaire. Malgré une balance commerciale agricole positive, grâce à des exportations de produits à haute valeur ajoutée (vins et spiritueux, fromages, produits transformés, tabac, etc.), l’Europe est une importatrice nette de nutriments. Elle importe 11% des calories et 26% des protéines qui sont consommées en Europe (IDDRI, 2021).
- L’UE occupe une place centrale dans le commerce agricole mondial, en étant à la fois première exportatrice et première importatrice mondiale (en valeur monétaire). Les produits de l’agriculture, de la pêche et de la restauration représentaient 8,8 % de tous les biens exportés qui ont quitté l’UE en 2021 et 7 % de tous les biens importés dans l’UE (Eurostat, 2022). Ce commerce agricole s’accompagne d’impacts sociaux et environnementaux importants. D’un côté les exportations à bas prix de produits excédentaires (viande, lait) concurrencent les produits des petits producteur·rice·s dans les pays du Sud global. D’un autre côté, la dépendance aux importations de certaines matières agro-industrielles (soja, huile de palme) est liée à des cas d’accaparements de terre et de violations des droits humains des communautés locales.
- Ces 40 dernières années, l’évolution du secteur agricole s’est caractérisé par une disparition des fermes et une concentration de la terre aux mains des grandes exploitations. 3 % des exploitations contrôlent 50 % des terres (Access to Land, Eurostat, 2013). Et si des mesures politiques fortes ne sont pas prises pour soutenir la petite agriculture, une étude commanditée par le Parlement européen indique que le nombre d’agriculteur·rice·s pourraient encore se réduire de 10,3 millions à 3,9 millions d’ici 2040 (Schuh B. et al.2022).
- L’Europe a fait un premier pas vers des systèmes alimentaires plus résilients et plus durables avec l’adoption de la stratégie « de la ferme à la fourchette » dans le cadre du Green Deal européen (Stratégie « de la ferme à la fourchette », 2020). Mais plus de trois ans après l’adoption de cette stratégie, les mesures concrètes se font toujours attendre. Et la stratégie fait face à des attaques de la part des groupes de pression de l’agrobusiness qui n’ont pas hésité à instrumentaliser la guerre en Ukraine pour démanteler les principales avancées sociales et environnementales (CEO, 2022).
- Parallèlement, l’UE a adopté le nouveau programme de la Politique agricole commune (2023-2027), qui représente près d’un tiers du budget européen. Cette réforme a été largement décriée comme une nouvelle occasion manquée pour inscrire l’agriculture européenne vers une agriculture durable et agroécologique (Société civile, 2021).
- Un large mouvement citoyen et de la société civile demande que les institutions européennes s’affranchissent des lobbies agro-industriels et des politiques néo-libérales pour accélérer la transition vers des systèmes alimentaires agroécologiques qui respectent les droits sociaux et du travail, protègent le climat et l’environnement, fournissent des aliments sains pour tous et répondent à des normes élevées en matière de bien-être animal (FPC, 2023).
Au niveau belge
- Malgré l’adhésion de la Belgique aux traités internationaux de droits humains, le droit à l’alimentation et la nutrition n’est pas garanti dans la Constitution et les lois belges.
- Plus de 1 million de belges sont en situation de privation matérielle et sociale (Stabel, 2023) et près de 600.000 personnes ont recours à l’aide alimentaire (FDSS, 2022). Cette aide alimentaire reste largement basée sur une approche caritative et citoyenne. Les colis alimentaires sont souvent composés d’une nourriture de mauvaise qualité et des déchets du système agro-industriel. Cette aide alimentaire, bien que nécessaire à court terme, ne correspond pas au droit de se nourrir dignement.
- Près de la moitié de la population belge est en surpoids, dont 16 % d’obèses (Sciensano, 2018). Cette situation est due à des environnements alimentaires obésogènes et pèse très lourdement sur le droit à la santé de la population. Cela représenterait un surcoût d’au moins €4,5 milliards annuels pour la société (V. Gorasso et al., 2022). Malgré des recommandations alimentaires claires au niveau international et belge (CSS, 2019), les politiques ne permettent pas d’inverser la tendance. Les Plans nutrition-santé adoptés depuis 2005 se basent principalement sur des mesures volontaires de l’industrie alimentaire, tandis que les mesures contraignantes font défaut pour lutter contre la malbouffe.
- La situation de l’agriculture en Belgique est préoccupante. La Belgique a perdu 39 % de ses fermes ces 20 dernières années (Stabel, 2022) et la majorité des agriculteur·rice·s sont âgés de plus de 55 ans et partiront à la retraite dans les prochaines années, la plupart sans repreneur·euse. Le Comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies s’est dit préoccupé par les difficultés rencontrées par les petits agriculteur·rice·s en Belgique et demande que des mesures spécifiques de soutien soient prises (Comité DESC, 2013 §21, et 2020, §50).
- La souveraineté alimentaire est faible en Belgique. Malgré des terres agricoles parmi les plus fertiles du monde, la Belgique importe une grande partie de ses denrées alimentaires de base, notamment pour : les fruits et légumes, les céréales panifiables, les huiles végétales, l’alimentation animale, etc. (voir pour la Wallonie, Canopea-UCL 2021). Et une grande partie de notre production agricole est utilisée pour l’alimentation animale ou pour des usages non-nourriciers (agrocarburants, biométhanisation, matériaux « biosourcés », etc.).
- Ces dernières années, un foisonnement d’initiatives émerge pour un système alimentaire plus juste et plus durable (agroécologie paysanne, circuits-courts, ceintures alimentaires, coopératives paysannes et citoyennes, agriculture soutenue par la communauté, etc.). Ces initiatives visent notamment à développer des solutions qui répondent aux besoins des consommateurs précarisés et des paysan·ne·s marginalisés. Mais ces alternatives sont bloquées par les verrous du système alimentaire industriel et elles manquent de soutien politique (IPES Food, 2016).
Qui est FIAN ?
FIAN Belgique est une organisation de droits humains qui défend le droit à l’alimentation et à la nutrition pour toutes et tous. FIAN Belgique est une des sections nationales de FIAN International, qui travaille dans plus de 50 pays à travers le monde. FIAN dispose d’un statut consultatif auprès des Nations Unies.
En tant qu’organisation de défense des droits humains, FIAN œuvre à la transformation des systèmes alimentaires en plaçant la justice sociale et environnementale au cœur de ce changement urgent. A côté d’une expertise pointue et de capacités de mobilisation, nous appuyons les mouvements sociaux de base du monde entier, représentant les paysan.ne.s, les travailleurs.euses ruraux, les femmes, les peuples autochtones, les pêcheurs et consommateurs.trices qui souffrent et sont menacés par la faim, la malnutrition, l’insécurité alimentaire et la violation systémique de leurs droits humains fondamentaux.
Droit à l’alimentation, souveraineté alimentaire : définitions
Le droit à l’alimentation est un droit humain consacré dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme (article 25) et dans le Pacte international. Le droit à l’alimentation est un droit humain consacré dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme (article 25) et dans le Pacte internationale relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 11). Loin de se limiter à un apport minimum de calories journalières, le droit à l’alimentation implique le droit de chaque personne de se nourrir dans la dignité.
Selon le Rapporteur spécial des Nations Unies, le droit à l’alimentation c’est :
« Le droit d’avoir un accès régulier, permanent et non restrictif, soit directement ou au moyen d’achats financiers, à une alimentation quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante correspondant aux traditions culturelles du peuple auquel le consommateur appartient, et qui lui procure une vie physique et mentale, individuelle et collective, épanouissante et exempte de peur » (O. De Schutter, 2014).
La souveraineté alimentaire est une revendication politique développée en 1996 par le mouvement paysan international La Via Campesina et portée par un large mouvement social et citoyen comme alternative aux politiques néolibérales en matière d’agriculture et d’alimentation.
Elle est définie comme : « le droit des peuples à une alimentation saine, dans le respect des cultures, produite à l’aide de méthodes durables et respectueuses de l’environnement, ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles » (Déclaration de Nyéléni, 2007).
Loin de viser un repli protectionniste et identitaire, la souveraineté alimentaire est ancrée dans un mouvement démocratique, internationaliste et solidaire. La souveraineté alimentaire est étroitement associée avec l’agroécologie, qui en constitue un élément clé (Déclaration Nyéléni, 2015).
Nos recommandations
1. Nos recommandations pour la Belgique
1.1 Consacrer le droit à l’alimentation dans la Constitution, les lois et les politiques
- Intégrer le droit à l’alimentation et à la nutrition dans la Constitution (art.23).
- Adopter une loi-cadre sur le droit à l’alimentation visant à mettre en œuvre les obligations du droit à l’alimentation conformément aux directives internationales (voir la proposition de loi-cadre déjà déposée au Parlement en 2014).
- Renforcer les stratégies agro-alimentaires régionales (Plans stratégiques régionaux de la PAC, Stratégie alimentaire flamande, Stratégie Good Food, Food Wallonia, Plan de transition agroécologique wallon, etc.). Fixer des objectifs plus ambitieux, accompagnés d’indicateurs précis et de délais de mise en œuvre.
- Renforcer la gouvernance démocratique des systèmes agro-alimentaires, notamment par la création et l’accompagnement de Conseils de politique alimentaire. Pour être réellement démocratique et vecteur de changement, ces conseils doivent notamment : éviter les conflits d’intérêts avec l’industrie agroalimentaire ; avoir un poids décisionnel réel dans l’élaboration et le suivi des politiques publiques ; être dotés de moyens suffisants.
Pour aller plus loin :
- FIAN Belgique (2020), « Rapport de FIAN devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations-Unies ».
- Communiqué FIAN (2014) « Enfin une loi belge visant à réaliser le droit à l’alimentation ? »
- FIAN Belgique (2017), “Les conseils de politique alimentaire : Vers une gouvernance démocratique des systèmes alimentaires ?”. Note d’information.
1.2 Instaurer une sécurité sociale de l’alimentation
- Instaurer une sécurité sociale de l’alimentation universelle comme mesure innovante permettant de répondre aux attentes des citoyens en termes de justice sociale, de transition (agro)écologique, de participation démocratique et de relocalisation des systèmes alimentaires.
Cette sécurité sociale de l’alimentation est basée sur trois piliers :
- une cotisation proportionnelle au revenu dans une caisse commune ;
- l’universalité de l’accès ou la redistribution égalitaire de la caisse sous forme d’allocation universelle. Autrement dit, une même somme est allouée par mois à tous les individus, sans ciblage.
- Le conventionnement démocratique : avec cette somme, on ne peut acheter que des produits répondant à des critères environnementaux et socio-économiques (locaux, durables, qualitatifs, etc.) définis démocratiquement (par exemple au sein des Conseils de politique alimentaire) au niveau du territoire concerné.
- La sécurité sociale de l’alimentation devrait venir en complément du renforcement des autres mécanismes de protection sociale permettant d’assurer une vie digne pour tou·te·s, et notamment du rehaussement des allocations sociales et des revenus de base à des niveaux décents, adaptés aux coûts de la vie.
- Instaurer une taxe sur les (sur)profits de l’industrie agroalimentaire qui permettrait de financer en partie la sécurité sociale de l’alimentation et d’autres mesures pour réaliser le droit à l’alimentation et à la nutrition et la transition agroécologique.
Pour aller plus loin
- FIAN (2022), « Pour une sécurité sociale de l’alimentation », Note de positionnement.
- J-F Neven (2022), « Etude juridique exploratoire de la faisabilité d’une sécurité sociale alimentaire en Belgique », ULB
1.3 Favoriser des environnements alimentaires sains et lutter contre la malbouffe
- Faire de l’alimentation saine une réelle priorité de santé publique et développer des politiques de nutrition-santé visant à mettre en place des environnements alimentaires sains.
- Prendre des mesures efficaces et contraignantes pour lutter contre la malbouffe : interdiction de la publicité ; taxation des produits malsains ; interdiction des snacks dans les établissements scolaires et autres lieux fréquentés par les enfants ; imposition généralisée du nutri-score pour les produits industriels ; etc.).
- Appliquer des mesures incitatives en faveur des régimes sains et durables (sur base des recommandations alimentaires du Conseil supérieur de la santé - CSS, 2019) : fiscalité avantageuse ; programme obligatoire d’éducation scolaire ; campagnes d’information et de sensibilisation ; etc.
- Instaurer la gratuité des cantines scolaires et améliorer la qualité nutritionnelle de l’ensemble de la restauration collective.
Pour aller plus loin
- FIAN (2022), « Droit à une alimentation de qualité et systèmes alimentaires : Pourquoi il est si difficile de bien manger en Belgique, et ce qu’on peut y faire », Etude.
- FIAN (2020), « Système alimentaire, nutrition et santé : Reprendre en main notre alimentation », Recueil d’analyses.
- FIAN (2022), « Malbouffe : le plan fédéral nutrition-santé en rade ». Article.
1.4. Renforcer la souveraineté alimentaire et soutenir la transition agroécologique
- Élaborer des scénarios prospectifs et des plans concrets pour une transition agroécologique. Ces plans doivent être scientifiquement établis et doivent permettre : d’atteindre les objectifs de réduction des GES ; de régénérer la biodiversité et de respecter les limites planétaires ; et de renforcer notre souveraineté alimentaire.
- Intégrer des critères obligatoires favorisant les produits issus de l’agroécologie, des circuits-courts et du commerce équitable dans les marchés publics de restauration collective.
- Développer un grand plan d’investissement pour soutenir les innovations paysannes et citoyennes œuvrant à la transition agroécologique et la territorialisation de notre alimentation : infrastructures de production, transformation et stockage ; ceintures alimentaires ; circuits-courts ; coopératives ; etc.).
- Rehausser les ambitions et les moyens des politiques agro-alimentaires (nationales et régionales) en matière de réduction des pesticides et autres intrants de synthèse pour atteindre, au grand minimum, les objectifs de la stratégie européenne « de la ferme à la fourchette » d’ici 2030 et aller vers une une agriculture libérée des produits toxiques pour 2040.
- Garantir des prix rémunérateurs aux paysan·ne·s, notamment en : les protégeant des importations de matières agricoles ne respectant pas les mêmes standards sociaux et environnementaux ; les protégeant des pratiques déloyales ; et en renforçant leur position au sein de la chaîne alimentaire.
- Refuser les (fausses) solutions de l’agrobusiness qui comprennent des risques pour la santé, l’environnement ou les conditions de vie des agriculteur·rice·s, telles que : les nouveaux OGM, le carbon farming, la digitalisation et les blockchains, l’agriculture technologique de précision, etc.
Pour aller plus loin
- Inspiration de scénarios de transition agroécologique : Europe : IDDRI « Ten Years for Agroecology in Europe » ; France : Solagro (2016), « Scénario Afterres 2050 »
- ICLEI et al. (2022), « Manifeste pour l’établissement de normes minimales dans les cantines publiques de l’UE », Note politique.
- COACH (2023), “Farm to Fork Procurement Toolkit”
- Coalition de la société civile (2020), “Transpositie van Richtlijn (EU) 2019/633 inzake oneerlijke handelspraktijken ».
1.5. Préserver les terres et les ressources naturelles et favoriser leur accès pour une agriculture paysanne agroécologique et nourricière
- Créer un statut de « bien commun » pour les zones naturelles, les terres agricoles et les ressources naturelles.
- Rehausser les ambitions des politiques régionales d’aménagement du territoire pour mettre fin à l’étalement urbain et à l’artificialisation des sols (« stop béton ») dès 2030 en Flandre et en Wallonie.
- Mettre en place des organismes publics de régulation des marchés de terres agricoles pour lutter contre l’augmentation des prix et les pratiques spéculatives (du type des SAFER en France) et faciliter l’accès pour les projets d’agriculture paysanne.
- Adopter un moratoire sur la vente des terres agricoles publiques (voir l’exemple de Gand) et mettre en place des organismes régionaux de gestion des terres publiques pour favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs et le développement de projets agroécologiques.
- Créer (Flandre) et renforcer (Wallonie) des observatoires du foncier agricole chargés de collecter des données globales sur le marché foncier (marché de vente, marché locatif, qualité des sols, etc.)
- Exclure l’utilisation des matières agricoles et des terres agricoles pour la production d’énergie (matières agricoles utilisées pour la production d’agrocarburants ou la biométhanisation, agrivoltaïsme, etc.), à l’exception des infrastructures à petite échelle permettant de renforcer l’autonomie énergétique des fermes.
- Rendre inéligible le secteur des terres pour les marchés de compensation carbone (y compris le carbon farming) étant donné les nombreux risques y liés (non permanence des crédits générés, impacts négatifs sur les droits humains et l’atteinte des ODDs, greenwashing, etc.).
Pour aller plus loin
- FIAN (2022), « Assises wallonnes de la terre ». Note de positionnement.
- FIAN en De Landgenoten (2022), « Beleidsaanbevelingen voor een betere toegang to grond voor agro-ecologische boer·inn·en », Beleidsnota.
- FIAN (2022), « Droit à la terre : Pour une agriculture paysanne et nourricière ». Recueil d’analyses.
- Coalition de la société civile, (2022), « Evaluation de la politique belge d’incorporation d’agrocarburants ». Rapport.
2. Nos recommandations pour l’Europe
2.1. Fournir un cadre ambitieux pour la transition des systèmes alimentaires
- Renforcer les ambitions du Green Deal pour les aligner avec les engagements climatiques et environnementaux internationaux. S’assurer que ces objectifs soient atteints par la bonne mise en œuvre des différentes stratégies, en particulier la stratégie “de la ferme à la fourchette”.
- Adopter rapidement l’ensemble des réglementations nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie de la ferme à la fourchette, en particulier la loi-cadre sur les systèmes alimentaires durables (Sustainable Food Systems Framework).
- S’assurer que ces réglementations adoptent une approche basée sur les droits humains et intègrent les principales directives et recommandations internationales relatives au droit à l’alimentation et à la nutrition, au droit à la santé et aux droits des paysans.
- Renforcer la gouvernance démocratique des systèmes alimentaires : en assurant la participation citoyenne dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques ; en mettant en œuvre des cadres de responsabilité pour réglementer les activités des entreprises ; en renforçant les gardes-fous contre l’influence des lobbies défendant des intérêts privés.
- Réviser la Politique agricole commune (PAC) pour la mettre en cohérence avec les engagements internationaux en matière de climat et d’environnement (Accord de Paris sur le climat, Accord Kunming-Montreal sur la biodiversité) et avec les engagements pour une transition juste pour les agriculteur·rice·s.
- Adopter une Directive foncière européenne telle que proposée par les mouvements paysans.
Pour aller plus loin
- FIAN (2023), « Human rights must be placed at the heart of EU food systems transformation ». Policy Brief.
- European Coordination Via Campesina (2023), « Proposition de directive européenne sur les terres agricoles ». Note politique.
- EU Food Policy Coalition (2023), « Manifesto for the 2024 European Parliament elections”.
3. International
3.1. Utiliser les droits humains comme boussole de la politique internationale belge
- Renforcer l’appui (notamment financier) de la Belgique aux institutions internationales de protection des droits humains.
- Intégrer l’obligation de respect des droits humains, en particulier du droit à l’alimentation, dans tous les accords internationaux conclus par la Belgique (et l’Union européenne) et prévoir des études d’impacts en matière de droits humains et des mécanismes de révision et de réparation en cas d’impacts négatifs.
- Exclure l’agriculture et l’alimentation des accords commerciaux actuels (exception agri-culturelle), comme moyen de préserver la souveraineté alimentaire des États (du nord comme du sud) dans le court terme, tout en relançant les débats pour l’élaboration d’un cadre pour un commerce agricole international permettant de garantir le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire des États.
Pour aller plus loin
3.2. Réguler les entreprises et protéger les défenseurs des droits humains, renforcer la responsabilité des entreprises et lutter contre l’impunité
- En jouant un rôle actif et constructif au niveau international pour l’adoption d’un traité international contraignant sur les entreprises et les droits humains ;
- En poussant pour l’adoption d’une directive européenne sur « corporate sustainability due diligence » ambitieuse (voir mémorandum Justice is everybody’s business).
- En adoptant dès maintenant une loi ambitieuse et efficace sur le devoir de vigilance des entreprises en Belgique, et garantir notamment que la loi : (1) oblige les entreprises à intégrer le respect des droits humains, des droits du travail et des normes environnementales dans leurs politiques et leurs systèmes de gestion, à identifier en permanence et de manière proactive les risques dans leurs chaînes de valeur, à prévenir les violations, à y remédier et à en rendre compte publiquement, (2) s’applique à toutes les entreprises établies ou opérant en Belgique et à l’ensemble de leur chaîne de valeur, (3) garantisse l’accès à la justice et la réparation pour les victimes et supprime les obstacles à l’accès à la justice.
- En veillant à une bonne complémentarité entre ces différents instruments.
- Renforcer les programmes de protection pour les défenseurs des droits humains.
- Pousser pour l’adoption d’une Directive européenne pour protéger les défenseurs de droits humains contre les attaques abusives en justice qui soit ambitieuse et réponde aux objectifs prioritaires.
Pour aller plus loin
- Mémorandum de la société civile belge, (2020) « Fondements essentiels pour une loi belge sur le devoir de vigilance ».
- Mémorandum de la société civile européenne (2022), « Justice is everybody’s business, Our demands ».
- CASE Coalition, (2022) « SLAPPS in Europe : How the EU can protect watchdogs from abusive lawsuits ». Policy Brief.
3.3. Mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s
- Incorporer les normes et standards de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s (UNDROP, 2018) dans les lois et les politiques nationales.
- Soutenir la création d’un Rapporteur spécial des Nations Unies chargé de la surveillance et de la mise en œuvre de la Déclaration.
Pour aller plus loin
- Communiqué UN, (2022), « Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans : les experts de l’ONU appellent à l’action avant l’anniversaire »
- C. Golay (2022), « La mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales ». Geneva Academy. Research Brief.
- FIAN (2020), « Mise en œuvre en Belgique de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s ». Note d’analyse.
3.4. Réaliser le droit à l’alimentation et les droits des paysans à travers les outils de la coopération internationale
- Réviser la note stratégique « Agriculture et sécurité alimentaire » de la coopération au développement en mettant comme objectifs principaux : la réalisation du droit à l’alimentation ; la réalisation des droits des paysan·ne·s ; et la transition agroécologique.
- Augmenter significativement (au minimum doubler) la part de financement dédiée à la transition agroécologique et mettre en place un mécanisme de suivi spécifique de ces financements.
- Intégrer une approche basée sur les droits humains dans l’ensemble des outils de la coopération au développement et renforcer les mécanismes de cohérence des politiques en faveur du développement.
- Garantir que l’ensemble des financements de la Coopération belge au développement appuyant le secteur privé soient compatibles avec la réalisation du droit à une alimentation adéquate et à la nutrition des bénéficiaires. Et notamment assurer que le fonctionnement et les interventions de la Société belge d’investissement pour les pays en développement (BIO), participent effectivement à un développement durable et à la réalisation des droits humains, sans leur porter atteinte négativement.
Notamment en :
(1) Adoptant une approche basée sur les droits humains et des processus de devoir de vigilance ;
(2) Garantissant la consultation et l’engagement des populations potentiellement affectées et des organisations de la société civile ;
(3) Augmentant et renforçant la transparence, ainsi que le rôle du parlement ;
(4) Révisant le mécanisme de plainte ;
(5) Adoptant une stratégie de “sortie responsable” ;
(6) Révisant la liste des exclusions ; et en
(7) Adaptant le rapport entre investissements de capitaux et subventions de capitaux aux regards des objectifs de développement durable et de réalisation des droits humains.
- Stratégie « Beyond Food » (stratégie pour le renforcement de la durabilité des chaînes d’approvisionnement agroalimentaires en Belgique) : privilégier une approche systémique et des mesures de redevabilité contraignantes pour le secteur privé (critères de durabilité dans les marchés publics, législation sur le devoir de vigilance, transposition directive UTP, etc.), plutôt qu’une approche approche volontaire et par filière.
- Interdire l’exportation de produits agrochimiques toxiques, non autorisés en UE, vers des pays tiers.
Pour aller plus loin
- Coalition contre la faim, (2020), « Pour une aide publique au développement belge qui soutienne la transition agroécologique »
- FIAN (2016), « La coopération belge en matière d’agriculture et de sécurité alimentaire : Vers une approche basée sur les droits humains ? ». Étude.
- Coalition de la société civile (2022), Dossier politique : BIO en tant qu’acteur de la coopération au développement. Etude et policy briefs
- Coalition de la société civile, (2023), « Pourquoi et comment la Belgique doit elle interdire l’exportation de pesticides interdits d’usage en Europe vers des pays tiers ». Note politique.
Contacts
Pour toute question générale :
- Marie-Hélène Lefèvre - mariehelene@fian.be - +32 2 640 84 17
Pour les questions spécifiques :
- aux politiques flamandes : Kristel Cuvelier - kristel@fian.be
- aux politiques internationales et de coopération au développement : Florence Kroff - florence@fian.be
- aux politiques de nutrition et d’accessibilité à l’alimentation : Jonathan Peuch - jonathan@fian.be
- aux politiques foncières et agricoles : Marie-Hélène Lefèvre - mariehelene@fian.be