Le nouveau contrat entérine la réforme de la banque belge pour le développement : Engagement réel pour les droits humains ou social washing ? Réponse dans 6 mois
Les organisations de la société civile saluent la publication récente du nouveau contrat de gestion entre l’État belge et la Société belge d’investissement pour les pays en développement (BIO) [1]. Après un an de négociation, et de dialogue avec le parlement et la société civile, plusieurs priorités portées par la société civile sont consacrées. Si la mise en œuvre suit, cela pourrait signifier des améliorations tangibles pour les bénéficiaires du Sud Global, parfois victimes plutôt que bénéficiaires des investissements de la banque BIO. Les six prochains mois nous diront si les promesses se réalisent et si les lacunes encore existantes sont compensées par un réel engagement pour les droits humains de la part de la Banque.
C’est lors du dernier Conseil des ministres de 2023, 3 jours avant Noël, que la Ministre Gennez a mis au vote le nouveau contrat de gestion. Le texte est présenté comme une évolution progressiste destinée à répondre aux lacunes identifiées ces dernières années et à éviter à l’avenir les investissements problématiques. On se souviendra de l’Affaire Feronia bien sûr, qui avait fait scandale, notamment lorsque BIO avait décidé de faire cadeau à une multinationale de l’huile de palme de l’équivalent de 8 millions d’euros. Mais ce cas est malheureusement loin d’être isolé, et les études et enquêtes des dernières années ont révélé des dérives importantes de l’action de BIO. Sous couvert de rendement économique, de création d’emploi et de nécessité d’appuyer le secteur privé dans les régions fragiles, BIO a financé des projets peu intéressants au niveau du développement et parfois même avec un impact négatif sur les droits humains des populations locales. Le nouveau contrat de gestion entre l’État belge et BIO, pour les 5 prochaines années (2024-2028), a notamment pour vocation de répondre à ces incohérences.
Plusieurs avancées sont à souligner et représentent autant de victoires pour les représentants de la société civile qui ont porté lors des négociations, la voix des bénéficiaires. Consacré dans le tout nouvel article 11 du contrat, BIO s’engage à élaborer et adopter une stratégie d’approche basée sur les droits humains avant juillet 2024. L’avenir nous dira si cette future stratégie sera substantielle et appliquée à l’ensemble des actions de BIO tout au long du cycle des interventions, ou si elle restera lettre morte dans un tiroir. Le même questionnement s’applique aux autres promesses stipulée dans l’arrêté royal : une nouvelle stratégie climatique et une nouvelle stratégie d’investissement basée sur les Objectif de Développement durable. Citons encore d’autres avancées d’importance : une augmentation des budget pour le climat, l’interdiction pour tout nouveau projet d’avoir un impact négatif sur la sécurité alimentaire, la prise en compte systématique et explicite du travail décent, une augmentation des fonds pour les subsides en capital (susceptibles de toucher des projets plus directement), une ouverture au dialogue avec la société civile, etc.
Loin de représenter des mesurettes sans importance, ces avancées redonnent espoir aux bénéficiaires de la coopération au développement belge. Un espoir quelque peu entaché pourtant par l’absence d’actions prises dans des domaines pourtant identifiés comme prioritaires par la société civile. Le texte ne comporte aucune référence à l’accès à l’information et à la transparence. Cette lacune est d’autant plus préoccupante, qu’elle conditionne grandement l’impact des mesures liées aux droits humains, sociaux et environnementaux. Citons encore les manquements suivants : le flou qui continue à entourer les investissements dans les « private equity funds » (ces fonds souvent nébuleux dans lesquels BIO investit sans réel contrôle), l’absence de réforme du mécanisme de plainte, le refus de spécifier et d’étoffer la liste des exclusions, etc.
Et puis, le texte de compromis adopté pose aussi un certain nombre de questionnements. Est-ce que la nouvelle approche basée sur les ODD permettra réellement à l’action de BIO d’avoir un impact positif sur la réalisation des droits des populations les plus vulnérables, sans leur porter atteinte ? Est-ce que le compromis trouvé en terme de focus géographique est pertinent ? Comment BIO s’assurera que l’expertise en termes de développement durable et de droits humains soit suffisamment présente tant au sein de l’équipe opérationnelle qu’au sein du Conseil d’administration ?
Et enfin, très concrètement, est-ce que la nouvelle direction de BIO insufflera des changements de pratiques internes de nature à pallier aux lacunes réglementaires par des actions orientées vers la durabilité et la réalisation des droits humains ?
Nouvel article 11 : BIO met en œuvre les principes de devoir de diligence relatifs aux droits humains dans son fonctionnement, où l’on entend par devoir de diligence un processus continu d’identification des risques afin de mettre fin à, de prévenir ou d’atténuer ces risques. BIO se laisse guider par une approche ayant pour objectif de ne pas causer de préjudice significatif et de maximaliser l’impact positif.
Dans ce cadre BIO soumettra, dans les six mois de l’approbation du présent contrat de gestion, une proposition d’approche en matière des droits humains pour ses investissements au conseil d’administration, comprenant les principes de la consultation des parties prenantes, d’exit responsable et de la méthodologie pour la détermination du niveau de responsabilité dans le cadre d’accès à la remédiation, en cohérence avec les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies et les Principes pour le Financement Responsable du Développement Durable d’EDFI.