Obésité, sous-nutrition et changement climatique : Causes et solutions communes
Les trois pandémies – obésité, sous-nutrition et changement climatique – affectent la majeure partie de la population, dans tous les pays et régions du monde. Les mesures politiques prises par les gouvernements nationaux au cours des dernières décennies pour faire face à ces pandémies séparément ont été lentes et insuffisantes. Des actions « à effet double » ou « à effet triple » visant à réorienter les systèmes alimentaires et agricoles, les systèmes de transport et l’utilisation des terres seront nécessaires au niveau local, national et international pour faire face à la syndémie [1] des pandémies.
- Les effets de l’obésité, de la sous-nutrition et du changement climatique sur la santé et l’environnement
- Les facteurs communs de l’obésité, de la sous-nutrition et du changement climatique
- Des actions politiques à effet double et triple
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La malnutrition sous toutes ses formes, incluant tant la sous-nutrition que l’obésité et les autres risques nutritionnels associés aux maladies chroniques, est de loin la principale cause de mauvaise santé et de décès prématurés dans le monde (19 % de la morbidité totale dans le monde [2] (figure 1) ;
- Figure 1
- Charge internationale due à la malnutrition sous toutes ses formes(par rapport à la charge des trois principaux contributeurs suivants).Echelle : % (0, 5, 10, 15, 20, 25) en espérance de vie corrigée de l’incapacité (EVCI) [1]
[1] l’espérance de vie corrigée de l’incapacité (EVCI) est un mode d’évaluation du coût des maladies mesurant l’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire en soustrayant à l’espérance de vie le nombre d’années « perdues » à cause de la maladie, du handicap ou d’une mort précoce.
Dans un avenir proche, les effets du changement climatique sur la santé aggraveront encore considérablement l’impact de ces maladies. Tout comme l’obésité et la sous-nutrition, le changement climatique peut également être considéré comme une pandémie (c’est-à-dire une épidémie mondiale), en raison de son impact majeur sur la santé de la planète.
Les effets de l’obésité, de la sous-nutrition et du changement climatique sur la santé et l’environnement
Les trois pandémies – obésité, sous-nutrition et changement climatique – affectent la majeure partie de la population, dans tous les pays et régions du monde. Se produisant en même temps et en même lieu, et ayant des causes communes, on peut parler d’une syndémie de ces pandémies. Par exemple, nos systèmes alimentaires actuels ne sont pas seulement responsables de la sous-nutrition et de l’obésité résultant de l’augmentation de la commercialisation et de la consommation d’aliments ultra-transformés ; ils génèrent également entre 21 et 37 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), l’élevage représentant plus de la moitié de ces émissions [3]. Autre exemple, les moyens de transport, dominés par la voiture, qui favorisent l’inactivité physique et un mode de vie largement sédentaire, alors même qu’ils génèrent entre 14 et 25 % des émissions de GES. Les causes sous-jacentes de la syndémie entre ces pandémies sont la faiblesse des systèmes politiques, la quête de la croissance du produit intérieur brut – théorie économique incontestée – et la puissante incitation à la surconsommation par le secteur privé.Les coûts sociaux de la syndémie des trois pandémies sont considérables et touchent davantage les populations et les pays les plus pauvres.
- Obésité : La surcharge pondérale touche plus de 2 milliards de personnes dans le monde et est responsable d’environ 4 millions de décès par an. Le coût économique actuel de l’obésité est estimé à environ 2,8 % du produit intérieur brut mondial.
- Sous-nutrition : En Asie et en Afrique, la sous-nutrition coûte de 4 à 11 % du produit intérieur brut. En 2017, 155 millions d’enfants étaient trop petits pour leur âge et 52 millions avaient un poids trop faible pour leur taille. En outre, deux milliards de personnes souffrent de carences en micronutriments et 690 millions de personnes étaient chroniquement sous-alimentées en 2019 [4].
- Changement climatique : On estime que les coûts économiques futurs du changement climatique représenteront 5 à 10 % du produit intérieur brut mondial ; les coûts dans les pays à faible revenu dépasseront 10 % de leur produit intérieur brut.
Les facteurs communs de l’obésité, de la sous-nutrition et du changement climatique
La figure 2 montre les moteurs communs de la syndémie des pandémies. Par exemple, le changement climatique augmentera la sous-nutrition en raison d’une augmentation de l’insécurité alimentaire, de conditions climatiques extrêmes, de sécheresses et de bouleversements dans l’agriculture. En outre, on sait que la sous-nutrition des fœtus et des nourrissons augmente le risque d’obésité chez les adultes. Les effets du changement climatique sur l’obésité, et vice versa, sont pour l’instant incertains. Des actions qui recentrent les systèmes sous-jacents (comme l’alimentation, les transports, l’affectation des terres, l’aménagement du territoire), seront nécessaires pour faire face à la syndémie des pandémies, par exemple en promouvant des politique agricoles ayant pour objectifs la santé et la durabilité.
Des actions politiques à effet double et triple
- Les mesures politiques prises par les gouvernements nationaux au cours des dernières décennies pour lutter séparément contre l’obésité, la sous-nutrition ou le changement climatique ont été lentes et inadéquates. Cette inertie politique a plusieurs causes et découle, entre autres, de la réticence des décideur·euse·s politiques à mettre en œuvre des politiques efficaces, de la forte opposition exercée par les intérêts commerciaux et de l’insuffisance de la demande de changement de la part du public et de la société civile. La sous-nutrition diminue beaucoup trop lentement pour atteindre les objectifs mondiaux, aucun pays n’a été en mesure d’inverser son épidémie d’obésité et les actions politiques globales pour lutter contre le changement climatique ont à peine commencé.
- Des actions s’attaquant aux facteurs sociaux, politiques, socio-économiques et commerciaux sous-jacents de la syndémie des trois pandémies sont nécessaires. Nombre des recommandations internationales actuelles visant à réduire l’obésité et la sous-nutrition sont également bénéfiques pour l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci, et vice versa. Ces actions sont alors appelées « à effet double » ou « à effet triple » car elles peuvent influencer plusieurs pandémies en même temps. Ces actions, visant à recentrer les systèmes alimentaires et agricoles, les systèmes de transport et l’affectation des terres, devraient idéalement avoir lieu aux niveaux local, national et international. Quelques exemples sont donnés dans le tableau 1.
- Les actions qui responsabilisent l’individu·e par des programmes de promotion de la santé ou des services de soins de santé sont plus faciles à mettre en œuvres que des politiques ou des actions répondant aux causes profondes, or ces dernières sont essentielles à une transformation systémique. Outre les autorités nationales et locales, la société civile, les bailleurs de fonds et les organisations internationales peuvent prendre diverses mesures pour faire face à la syndémie des pandémies (tableau 2).