Déclaration commune

Une autre PAC est encore possible ! #VoteThisCAPDown

Cette PAC n’est pas la nôtre

Le Parlement Européen s’apprête à voter une nouvelle réforme de la politique agricole commune (PAC) qui dessine les lignes du modèle agricole européen pour les prochaines années (2023-2027). Pourtant, cette nouvelle version est incapable de répondre aux enjeux actuels agricoles, sociaux, environnementaux et climatiques.
Avec les 400 milliards de la PAC (+-1/3 du budget européen), nous pourrions pourtant engager une transition de notre modèle agricole vers un modèle à taille humaine, créateur d’emplois, rémunérateur et bénéfique pour notre santé et l’environnement. Avec les milliards de la PAC, nous pourrions rendre accessible à toutes et tous une alimentation saine et de qualité.

Cette énième réforme manque ce virage essentiel et trahit les engagements pris par l’Union Européenne avec le Green Deal et en particulier les stratégies “de la fourche à la fourchette” et “Biodiversité”.

Dès le début des négociations, les syndicats agricoles et paysans qui promeuvent la souveraineté alimentaire, l’agroécologie et l’agriculture familiale, les organisations environnementales, les ONG Nord-Sud et de nombreuses organisations de la société civile ont dénoncé les mauvaises orientations de la réforme actuelle [1], telles que :

  • Le maintien du régime des aides directes liées à l’hectare, qui favorisent la concentration des terres et l’industrialisation des exploitations, au lieu d’aides liées au travail véritable et d’un soutien aux petites et moyennes fermes.
  • Le maintien des objectifs de compétitivité internationale de l’agriculture européenne et des Accords de Libre Échanges aux dépens des objectifs de souveraineté alimentaire et de résilience du modèle agricole européen. Les prix d’achat des productions resteront en dessous des prix de production.
  • Le manque d’ambition des mesures agro-environnementales au regard de l’urgence climatique et environnementale et le manque de mesures structurelles pour accompagner les agriculteur·rice·s dans une transition vers de meilleures pratiques.
  • Les risques liés à la renationalisation de la PAC via les Plans Nationaux Stratégiques, qui va renforcer la compétitivité entre les Etats et va les entraîner dans une course au moins-disant sur les plans sociaux et environnementaux.
  • Un manque de cohérence autour du soutien aux jeunes qui ont besoin de pouvoir accéder à des terres, être rémunérés par des prix justes, et être soutenus concrètement dans leur installation.

Malgré des négociations ardues durant des mois, peu d’avancées ont été obtenues. Encore une fois, ce sont les lobbies de l’agrobusiness qui ont mis la pression pour modeler le système alimentaire à leur avantage. Un système qui bénéficie à une minorité de gros acteurs agricoles , qui dégrade la qualité de vie et la santé des agriculteur·rice·s comme celle des consommateur·rice·s, et qui nuit à l’environnement. Un système qui par ailleurs constitue un modèle non soutenable, financé entre autres par les contribuable·s européen·ne·s et qui ébranle l’économie des pays du Sud.

Il faut un renversement des logiques de consultations politiques dans le domaine des systèmes alimentaires. Si les grands syndicats agricoles doivent être entendus, il faut sortir de la logique selon laquelle ils sont les seuls légitimes à définir les politiques agricoles. Les syndicats agricoles progressistes -représentant les petits et moyens producteur.trice.s et les agricultrices et agriculteurs déjà en transition, expérimentant des modèles agroécologiques- et des associations environnementales commencent à être consultés… mais très peu entendus ! Pire, les citoyens et citoyennes ne sont pas consultés du tout. Or la PAC finance un secteur pas comme les autres qui aura un impact important sur le monde agricole mais aussi sur l’environnement, la santé, l’emploi ou encore le contenu de notre assiette. Les organisations travaillant sur l’alimentation durable, la santé, l’environnement, l’aide alimentaire doivent aussi avoir un réelle place dans l’élaboration de la PAC, leur avis doit être considéré.

Les enjeux sont donc énormes ! Il est fondamental de ne pas rester silencieux.ses lors de cette dernière ligne droite, pour préparer l’avenir. Faisons-nous entendre pour exprimer à nos responsables politiques - que ce soit au niveau européen, national, ou régional - que cette PAC n’est pas la nôtre et que nous exigeons :

  • De véritables instruments de régulation des marchés, notamment de l’Organisation Commune des Marchés européenne et de l’Organisation Mondiale du Commerce, et des soutiens économiques efficaces pour les petits et moyens agriculteurs afin de donner une chance à la PAC d’atteindre les objectifs du Pacte Vert ;
  • Une cohérence de toutes les politiques qui touchent à l’agriculture et l’alimentation, alignée sur les objectifs du Green Deal et à terme la mise en place d’une Politique Agricole et Alimentaire Commune au niveau européen ;
  • De réelles ambitions dans l’élaboration des plans nationaux stratégiques de la PAC : une juste redistribution des subventions, basée sur les forces de travail des fermes, et un véritable soutien aux petits et moyens agriculteurs qui contribuent à une véritable transition vers des mesures agroécologiques ;
  • Un processus de validation exigeant et transparent de ces plans stratégiques par la Commission qui devra s’assurer de la cohérence des plans avec les objectifs du Green Deal ;
  • Le fin de la mainmise des lobbyistes de l’agrobusiness qui veulent nous imposer de fausses solutions comme les nouveaux OGM, les nouvelles technologies à outrance, et vider de leur substance les stratégies telle que « De la fourche à la fourchette » et « biodiversité ».

Ces choix nous concernent toutes et tous, car ils conditionnent non seulement la qualité de vie du monde agricole et la disparition (ou non) de nombreuses fermes, mais aussi notre santé, la qualité et le prix de notre alimentation, ainsi que le respect et la préservation de la biodiversité locale et du climat en général.

Au niveau politique, le vote du Parlement sur la stratégie « De la fourche à la fourchette » témoigne que l’UE se donne des objectifs ambitieux. Sur le terrain, de nombreux agriculteurs et agricultrices font évoluer - dans des conditions souvent très difficiles - leurs pratiques afin de concilier production et durabilité et afin que les mangeuses et mangeurs aient accès à une alimentation saine, savoureuse, et choisie. Ce sont ces agricultrices et agriculteurs qui doivent être soutenu.e.s par une régulation des marchés et des appuis ciblés. Une transition est en cours, mais pour être amplifiée, des politiques publiques courageuses sont nécessaires.