Bail à ferme : un nécessaire sursaut parlementaire
[Actualisation]: La réforme a été adoptée par le Parlement Wallon le 2 mai 2019
Le projet de décret sur le bail à ferme, tel que proposé demain au vote au Parlement wallon, n’aura que très peu d’impact positif sur l’environnement. Face à la dégradation de notre milieu de vie, notamment en milieu agricole, les décideurs ont pourtant la responsabilité de saisir toute opportunité de le préserver. Un amendement au texte peut changer la donne !
Ce mardi 30 avril, le Parlement wallon s’apprête à voter en plénière le décret de réforme du bail à ferme. Une réforme qui se veut stratégique pour l’agriculture wallonne, avec trois objectifs principaux : harmoniser les relations entre bailleurs et preneurs, faciliter l’accès à la terre, en particulier pour les jeunes, et répondre à la demande des citoyens et aux enjeux de santé et d’environnement en rendant possible l’insertion de clauses environnementales dans les baux, de commun accord entre le preneur et bailleur.
Une crise environnementale à voir en face
La mise en œuvre de ce troisième objectif, en particulier, a été attentivement suivie par nos associations. En effet, comment ignorer la crise de la biodiversité ? Les populations d’insectes, notamment, ont perdu 80% de leurs effectifs (lire plus) ! Les oiseaux de nos campagnes disparaissent à une vitesse inquiétante (lire plus). Comment ne pas être effrayés par les résultats de l’étude ProPulPPP coordonnée par l’ISSEP, publiée ce début 2019, qui conclut que les pesticides sont présents en grand nombre partout, y compris dans les habitations proches des cultures ?
Face à ces constats, beaucoup de propriétaires de terres agricoles ne recherchent plus en premier lieu un revenu locatif important, mais désirent que leurs terres soient exploitées en prenant en compte les intérêts collectifs que sont la biodiversité, nos paysages, la préservation et la transmission de sols vivants, la protection des eaux souterraines et des sols contre l’érosion et enfin, les dérives de pesticides chez les riverains.
Actuellement la réforme ne permet pas qu’un preneur et qu’un bailleur qui s’entendent sur un mode de gestion de la terre puissent l’acter dans le bail. Le bail à clauses environnementales doit donc répondre à l’évolution et aux aspirations de notre société et permettre à des propriétaires de remettre leur terre à bail en partenariat avec des agriculteurs partageant leurs valeurs.
Soutenir l’agriculture familiale et nourricière
Ouvrir la possibilité à des propriétaires privés et à des locataires de s’entendre sur un bail environnemental c’est permettre de maintenir des terres pour l’agriculture familiale et nourricière. Si ce type de bail est interdit pour les petits propriétaires il y a fort à parier qu’ils mettront leurs terres en gestion ou pire qu’ils les consacreront à des projets autres qu’agricoles.
A l’heure actuelle, le projet de décret tel qu’il s’apprête à être voté loupe son objectif. En effet, dans le projet de décret, le Parlement wallon a décidé majoritairement que les propriétaires autorisés à conclure des clauses environnementales seraient fortement limités : les propriétaires privés en seront exclus. Le projet de réforme de la Loi sur le bail à ferme s’inscrit par cela en porte à faux avec les objectifs inscrits à l’article premier du Code wallon de l’agriculture [1] !
Dans son avis sur le texte, le Conseil d’État s’en est d’ailleurs étonné en indiquant que : "L’auteur de l’avant-projet est invité à exposer, dans le respect du principe d’égalité et de non-discrimination, les raisons pour lesquelles les autres bailleurs sont exclus de la possibilité de prévoir des clauses environnementales visées à l’alinéa 2, 2°, en projet." La majorité a cependant décidé de passer outre cet avis d’un revers de la main !
Un amendement nécessaire
Parmi les amendements proposés pour apporter d’ultimes corrections au texte, un amendement permettrait aux propriétaires d’être partenaires des agriculteurs au bénéfice de la collectivité en rendant possible la conclusion de clauses environnementales pour tous les propriétaires
Cette semaine, la presse parlera sans doute beaucoup des rapports de l’IPBES (le GIEC de la biodiversité). Mais vous, messieurs et mesdames les parlementaires, vous avez des leviers en main pour rendre de l’espace à la biodiversité ! Il en va de votre responsabilité pour les générations à venir. Notre environnement est de moins en moins vivable et toute opportunité doit être saisie pour le préserver. Nous vous demandons donc de voter l’amendement proposé de sorte à rendre l’adoption de clauses environnementales possible pour tous.
Lionel Delvaux, Inter-Environnement Wallonie
Marc Fichers, Nature & Progrès
Zoé Gallez, Terre-en-vue
Joelle Huysecom, Natagora
Dominique Jacques, UNAB
Astrid Bouchedor, FIAN Belgium