Appel à signatures : "Zéro Réel Europe"
Si nous voulons éviter les pires conséquences du chaos climatique, nous devons transformer radicalement, de manière équitable et juste, la façon dont nous produisons nos aliments, gérons nos écosystèmes et faisons tourner nos économies. Nous devons déployer de toute urgence des solutions véritables et éprouvées, socialement équitables et pilotées par les peuples concernés afin de réduire radicalement les émissions de gaz à effet de serre à la source, afin de parvenir au niveau du « Zéro réel ».
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Les émissions étant cumulatives, chaque tonne d’émissions actuelles ne fait qu’aggraver le chaos climatique grandissant que nous constatons d’ores et déjà partout dans le monde : canicules, fonte des glaciers, intensification des cyclones, pertes de récoltes, feux de forêt et inondations massives, entre autres effets dévastateurs.
Pourtant, les gouvernements et les entreprises – au service du lobby des combustibles fossiles qui font tout pour empêcher une transition énergétique - continuent de subventionner, de fabriquer et de brûler des combustibles fossiles. Leur dernière fantaisie de « greenwashing » est de tenter de faire croire que, quelque part dans le futur, des « solutions fondées sur la nature » ou encore des technologies « d’absorptions de carbone » (carbon dioxide removal - CDR) seront un jour en mesure d’aspirer hors de l’atmosphère de grandes quantités de la pollution carbone actuelle.
Leur stratégie suppose de dépasser l’augmentation moyenne de 1,5 °C, avec une faible possibilité d’un retour éventuel à des niveaux de température sûrs. Il suffit de consulter le dernier rapport du GIEC pour voir qu’une telle stratégie et les sérieuses conséquences qu’elle induit font courir un grave danger à l’ensemble de la planète.
Dans cette stratégie, chaque tonne que ce futur captage de carbone nous promet d’absorber représente des émissions qui engendrent d’ores et déjà le chaos climatique actuel.
Le plan que la Commission européenne (CE) a présenté en décembre 2021 dans sa communication sur les cycles du carbone durables contribue à cette stratégie. Dans cette communication, la CE propose un processus réglementaire au niveau de l’UE pour certifier l’absorption du carbone et créer un crédit de compensation qui pourrait ensuite être échangé sur les marchés carbone. Les futurs marchés d’absorptions et de compensation du carbone ne sont que des écrans de fumée pour masquer l’inaction actuelle.
Dans ce plan, la CE encourage deux types d’absorption de carbone. Le premier est le stockage temporaire du carbone dans les champs et les forêts - appelé « stockage agricole du carbone » - comme moyen de lutter contre les émissions en cours, y compris les émissions permanentes des combustibles fossiles. Mais la captation temporaire « fondée sur la nature » n’est pas interchangeable avec et n’est
pas en mesure de compenser les émissions fossiles qui demeurent dans l’atmosphère et qui contribuent au réchauffement pendant des centaines ou des milliers d’années.
La Commission encourage également les approches technologiques, notamment le « Captage et stockage direct du carbone atmosphérique » (Direct Air Carbon Capture and Storage, DACCS) et la « Bioénergie avec captage et stockage du carbone » (Bio-Energy Carbon Capture and Storage, BECCS). Ces technologies ne sont actuellement pas viables à grande échelle et présentent des risques et des coûts sociaux, environnementaux et économiques potentiellement énormes en raison de leur très forte consommation d’énergie et de ressources, ainsi que pour le transport et le stockage du dioxyde de carbone.
Le stockage agricole du carbone et les solutions BECCS, à supposer qu’elles deviennent un jour réalisables à grande échelle, présentent également d’énormes risques en matière de spéculation foncière et d’accaparement des terres qui impactent en premier lieu les petits agriculteurs et les paysans, menaçant ainsi la souveraineté alimentaire tant au sein de l’UE que dans le monde.
L’orientation choisie par la Commission européenne ignore complètement les échecs passés et actuels des marchés carbone, qui n’ont ni permis de réduire les émissions ni d’obtenir les financements nécessaires à une transition réelle et équitable des économies ancrées dans les énergies fossiles. Les marchés carbone profitent avant tout aux pollueurs. Ils s’appuient sur une justification dangereuse et
fausse, qui légitime la poursuite des émissions : l’idée que quelqu’un, quelque part, pourrait à un moment donné, dans le futur, retirer une tonne de carbone de l’atmosphère en compensant la tonne produite actuelle. Une telle chimère est le moyen le plus sûr de brûler la planète.
Les propositions de mise en œuvre de mesures CDR dans le futur ne peuvent pas se substituer à de réductions des émissions drastiques et immédiates. Si nous voulons rester sous la barre de 1,5 °C de réchauffement, il faut mettre en œuvre dès maintenant des réductions véritables et équitables. Une stratégie qui prévoit de dépasser le seuil de 1,5 °C et qui parie sur des absorptions temporaires ainsi que sur des technologies actuellement inexistantes afin de revenir hypothétiquement un jour à des températures mondiales plus sûres est une stratégie qui mène vers un désastre climatique.
L’Europe a l’énorme responsabilité historique de soutenir une transition équitable pour les pays du Sud et de ramener rapidement les émissions à zéro chez elle. Nous savons à quoi ressemble le « Zéro réel » : une élimination progressive des combustibles fossiles gérée de manière juste et équitable ; une transformation énergétique vers des énergies renouvelables réelles, équitables, démocratiques et
durables ; un soutien aux petits agriculteurs et une transition équitable des systèmes alimentaires et agricoles vers l’agroécologie, des pratiques forestières proches de la nature ; et la réorientation des subventions publiques, au détriment des énergies fossiles et en faveur du soutien de ces mesures.
Pour parvenir au « Zéro réel » et rester en dessous du seuil de 1,5 °C de réchauffement, il faut rejeter toute proposition de la Commission européenne visant à certifier les mesures d’absorption du carbone via des marchés carbone qui sont déjà un échec. La seule stratégie efficace c’est d’arrêter immédiatement les émissions et de restaurer les écosystèmes.