27 octobre 2021
Treaty Alliance Statement

Déclaration commune

#BindingTreaty #StopCorporateImpunity

Les États doivent agir de toute urgence pour adopter un instrument juridiquement contraignant en vue de réglementer le pouvoir des entreprises

Nous, les organisations signataires, membres de plusieurs mouvements dont l’Alliance pour le Traité (Treaty Alliance), une large plateforme d’organisations de la société civile et de mouvements sociaux défendant l’adoption d’un traité international des droits humains sur les sociétés transnationales (STN) et autres entreprises commerciales (OBE), appelons les États membres de l’ONU à participer activement à la 7ème session de négociations en apportant des suggestions textuelles concrètes pour renforcer le texte du traité afin de mieux protéger les droits humains des communautés et des personnes affectées par les opérations des STN et des OBE ainsi que leur accès à un recours effectif, et de mettre fin à l’impunité des entreprises responsables de violations des droits humains.

L’Alliance pour le traité salue les efforts déployés par la Présidence du GTIG pour publier le nouveau projet de LBI avant la 7ème session à Genève (octobre 2021).

Nous constatons avec satisfaction que pour la première fois depuis le début du processus, les délégations des États "présenteront des propositions textuelles spécifiques sur les différentes dispositions du projet de texte" lors de la session. Il s’agit d’une opportunité clé pour les Etats de faire avancer le processus vers l’accomplissement du mandat du GTIG "d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant pour réglementer, dans le cadre du droit international des droits de l’homme, les activités des sociétés transnationales et autres entreprises" prévu par la Résolution 26/9 du Conseil des droits de l’homme.

À cet égard, nous observons avec inquiétude la proposition dite de "convention-cadre", qui serait principalement une convention centrée sur les Principes Directeurs. Faire le choix de se baser sur la convention-cadre proposée mettrait en péril les éléments les plus essentiels du projet de traité actuel. Les États doivent se mobiliser pour défendre les progrès réalisés à ce jour dans le projet de traité, qui comprend de larges mesures de prévention qui vont au-delà d’une diligence raisonnable contraignante en matière de droits humains, et concernent l’ensemble des chaînes de valeur et opérations transnationales des entreprises ; la responsabilité juridique, qui est intrinsèquement liée à l’accès à la justice et à un recours effectif ; des recours et des réparations prenant en compte une dimension de genre ; des mécanismes judiciaires opérant de manière extraterritoriale et des dispositions relatives à la coopération judiciaire. Le texte actuel a l’ambition de s’attaquer aux obstacles auxquels les victimes et leurs représentants sont confrontés, notamment les obstacles juridictionnels, les difficultés d’accès à l’information, les coûts élevés des contentieux, les défis liés à la charge de la preuve et à l’inégalité des armes dans les procédures judiciaires, et l’exécution des jugements, entre autres éléments.

Nous soulignons qu’il est essentiel que le LBI ne soit pas seulement une version obligatoire des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Pour apporter une valeur ajoutée au droit international existant, il doit contribuer à clarifier les ambiguïtés et les lacunes réglementaires laissées par les Principes directeurs. Par exemple, le LBI devrait apporter des précisions sur les obligations applicables dans le cadre des activités commerciales transnationales, notamment au sein des sociétés transnationales, des groupes économiques et le long des chaînes de valeur. Ce travail de précision, de clarification et de complément nécessite un traité fort, avec un certain degré de détail. Le projet actuel constitue une base de négociation adéquate ; il devrait être précisé et renforcé dans le cadre de la 7ème session, les sessions suivantes et d’autres négociations intersessions dans le cadre du GTIG.

Dans le monde entier, la pandémie de COVID-19 a mis en lumière et intensifié de graves injustices systémiques. Au premier rang de ces injustices se trouve la capacité bien ancrée des entreprises à s’emparer des processus de décision pour maximiser leurs profits au détriment de nos droits humains fondamentaux. Il est par conséquent d’autant plus urgent pour nous de protéger nos espaces de participation et de réclamer nos droits. Il faut donc protéger le processus actuel et le texte du LBI de l’emprise des entreprises, en veillant à ce que les entreprises ne soient pas autorisées à monopoliser les espaces de décision - qu’ils soient nationaux, régionaux, internationaux, bilatéraux ou multilatéraux. Il est fondamental de protéger l’intégrité de l’espace de prise de décision, de ses participants et de ses résultats contre les intérêts des entreprises, y compris tout conflit d’intérêt potentiel, perçu ou réel. Dans cette optique, la participation significative de la société civile et des mouvements sociaux, en particulier ceux qui représentent les communautés affectées, doit être assurée en permanence.

Le troisième projet de traité révisé présente de nombreux aspects positifs qui doivent être conservés lors des prochaines étapes du processus. Cependant, il reste du travail à faire pour clarifier et améliorer certaines parties du texte. Nous espérons que ce travail sera effectué par le biais de propositions et de solutions concrètes présentées par les délégations, et qu’il permettra des avancées significatives en ce qui concerne l’accès à un recours effectif et à la justice pour les victimes d’atteintes liées aux acteurs économiques, la lutte contre l’impunité des entreprises et permettra de créer des règles du jeu équitables international dont le besoin est urgent.

À cette fin, les dispositions actuelles en matière de responsabilité sont essentielles, mais des précisions supplémentaires sont nécessaires pour garantir que les lacunes actuelles dans ce domaine soient effectivement comblées.

L’inclusion explicite de la responsabilité conjointe et solidaire est essentielle pour garantir que toutes les entreprises impliquées dans des atteintes au sens de l’article 8.6 soient responsables des dommages causés par d’autres entités dans leurs chaînes de valeur, ainsi que pour garantir une remédiation complète pour les communautés ou les individus affectés.

Étant donné la difficulté pour les victimes de prouver les liens de contrôle, de supervision et de relation d’affaires entre différentes entités juridiques, les tribunaux devraient pouvoir établir une présomption réfutable de contrôle.

Les obligations de vigilance ne doivent jamais servir de bouclier à la responsabilité juridique. L’article 8.7 est très important pour éviter que les obligations de vigilance se muent en un exercice procédural de type "check-list" ou deviennent un outil permettant aux sociétés transnationales et autres entreprises d’échapper à leur responsabilité. Il est primordial de clarifier que la mise en place des obligations de vigilance par l’entreprise ne peut être utilisée comme défense au cours d’une procédure, si une entreprise a causé ou contribué à des violations des droits humains à travers ses propres opérations. Nous suggérons donc de supprimer la dernière phrase de l’article 8.7. Le but de cette suppression est d’assurer que l’adjudicateur ne se concentre pas sur la mise en œuvre ou non de procédures de diligence raisonnable, mais sur le dommage causé, selon les principes du devoir de diligence ou les principes de la responsabilité civile extra-contractuelle.

Les normes de responsabilité devraient être différentes et plus strictes pour les activités commerciales qui sont intrinsèquement dangereuses et pour lesquelles le risque est prévisible. Dans ces cas, les sociétés transnationales et autres entreprises devraient être tenues pour responsables même si elles n’ont pas agi avec négligence. La responsabilité stricte est appropriée dans les cas où les entreprises sont engagées dans des activités ou des industries dangereuses ou intrinsèquement dangereuses. Nous proposons donc d’inclure une clause sur la responsabilité objective, qui est une forme de responsabilité qui existe déjà dans différents systèmes juridiques nationaux.

Pour renforcer le texte, les titulaires de droits, dans toute leur diversité, doivent voir leurs droits protégés et respectés dans le cadre des activités des entreprises, notamment celles des STN, sans discrimination directe ou indirecte.

Mieux inclure la protection des défenseurs des droits humains en tant qu’élément clé d’une prévention efficace des atteintes et des violations des droits humains dans le contexte des activités commerciales, et préciser explicitement que les défenseurs des droits humains et les membres des communautés affectées, notamment les femmes, les membres de la communauté LGBTIQ+, les paysans et autres personnes vivant en milieu rural et les minorités ethniques et linguistiques, doivent être consultés par l’État ou des mécanismes impartiaux tout au long de la planification, de la mise en œuvre et du suivi d’un projet économique donné.

De même, les États garantissent le droit des peuples autochtones au consentement préalable libre et éclairé. Une référence explicite au droit à l’autodétermination est cruciale pour s’attaquer aux causes profondes des injustices liées aux activités commerciales : « Respectant que les peuples ont le droit à l’autodétermination et, par conséquent, le droit de refuser une activité commerciale sur leurs terres ou affectant leurs ressources naturelles, sans menaces de représailles. »

Malgré des améliorations positives, le texte actuel devrait contenir des dispositions plus robustes concernant la prévention des atteintes et des violations graves dans les zones touchées par les conflits. Nous nous félicitons de la référence explicite à une obligation de vigilance renforcée dans le para. 6.4 (g). Cependant, certaines lacunes doivent encore être comblées :

  1. Le texte devrait préciser dans le préambule et dans l’ensemble du texte que le droit international humanitaire est intégré dans le champ d’application de l’instrument juridiquement contraignant et devrait mieux rappeler les devoirs existants des États en vertu du droit international dans de tels contextes.
  2. Le texte précise que les mesures appropriées dans ces contextes peuvent inclure de ne pas investir ou de cesser certaines opérations ou relations commerciales dans des circonstances où les procédures de diligence raisonnable ne peuvent garantir le respect des droits humains et des règles du droit humanitaire international. En mentionnant explicitement que le devoir de vigilance renforcé devrait également envisager la possibilité d’un désengagement si le respect des droits humains ne peut être garanti dans les zones touchées par un conflit. Les normes de responsabilité devraient également être plus strictes pour les activités commerciales dans les zones touchées par des conflits, qui sont intrinsèquement dangereuses et où le risque est prévisible.
  3. Nous soulignons notre ferme engagement envers l’objectif d’établir un traité international. Un ensemble d’obligations contraignantes et de mécanismes d’application constitue la prochaine étape nécessaire et logique d’un processus engagé il y a plusieurs décennies pour garantir l’accès à la justice des personnes et des communautés touchées et mettre fin à l’impunité des entreprises.

Signataires

  • Accion Ecologica
  • Africa Europe Faith & Justice Network (AEFJN)
  • African Coalition for Corporate Accountability (ACCA)
  • Al-Haq
  • ALTSEAN-Burma
  • American Association of Jurists/ Asociación Americana de Juristas (AAJ)
  • Asia Indigenous Peoples Pact (AIPP)
  • Baby Milk Action (IBFAN UK)
  • CADTM France
  • CCFD-Terre Solidaire
  • Center for Constitutional Rights/Centro de Derechos Constitucionales
  • Centre for Human Rights, University of Pretoria
  • Center for Research and Documentation Chile-Latin America (FDCL)
  • Centro de Documentación en Derechos Humanos “Segundo Montes Mozo S.J.” (CSMM)
  • Comisión Intereclesial de Justicia y Paz
  • Corporate Accountability
  • Deache
  • European Coalition for Corporate Justice (ECCJ)
  • FIAN International
  • FIAN Ecuador
  • FIAN Germany
  • FIAN Switzerland
  • FIAN Belgium
  • FIAN Austria
  • Global Policy Forum
  • IBFAN Italy
  • International Baby Food Action Network
  • International Federation for Human Rights (FIDH)
  • Manushya Foundation
  • Red Mexicana de Acción frente al Libre Comercio (RMALC)
  • Sin Olvido
  • Sin Olvido Tierra
  • Society for International Development (SID)
  • SOMO
  • Somos Génesis
  • Südwind, Austria
  • Universidad de Paz
  • Women’s International League for Peace and Freedom
  • Instituto de Estudios Ecologistas del Tercer Mundo, Ecuador
  • Centre de Recherche sur l’Environnement, la Démocratie et les Droits de l’Homme (CREDDHO)
  • Goliathwatch
  • WEED - World Economy, Ecology & Development
  • Werkstatt Ökonomie (WÖK)
  • FIAN INDIA
  • TerraJusta
  • CIDSE