15 février 2023
Communiqué de presse

Le rôle inacceptable de la Belgique dans l’exportation de pesticides interdits

Campagne : Interdits ici. Exportés là-bas Mortels partout.

15 février 2023 | Interpellées par les lourdes conséquences sanitaires et sociales qu’entraînent de telles exportations, 6 organisations de solidarité internationale (Broederlijk Delen, FIAN Belgique, Iles de paix, Viva Salud, Entraide et Fraternité, SOS Faim) ont piloté une étude pour élucider le rôle de la Belgique dans ces exportations de pesticides interdits. Les résultats sont très préoccupants.

Le commerce et l’usage des pesticides est en croissance au niveau mondial (+ 60 % de ventes entre 1990 et 2020) alors même que leur dangerosité et leurs effets néfastes sur la santé des agriculteur·ice·s, des consommateur·ice·s et, plus largement, sur l’environnement et la biodiversité sont confirmés par de nombreuses études scientifiques.

Parmi les pesticides sur le marché, 207 substances sont interdites ou fortement réglementées à l’usage dans l’Union européenne sur base de propriétés chimiques problématiques. Pourtant, cette régulation autorise les pays de l’UE à exporter ces substances dangereuses hors de l’UE. Un commerce qui bénéficie essentiellement à l’industrie agrochimique. La Belgique est un des pays exportateurs les plus importants.

Constat :

Entre 2013 et 2020, la Belgique a exporté près de 50000 tonnes de substances actives interdites à usage agricole, soit plus de 6200 tonnes/an vers plus de 70 pays. Ces exportations massives font de la Belgique un des pays exportateurs de pesticides interdits les plus importants au niveau européen.

Le port d’Anvers, gigantesque plateforme hébergeant parmi les plus grosses industries au niveau mondial (BASF), permet d’exporter massivement vers l’étranger. Ce qui interpelle sur la responsabilité de la Belgique en matière de dégâts humains, environnementaux et sociaux causés par les pesticides interdits.

L’effet boomerang sur les citoyen·ne·s européen·ne·s est non négligeable. Certains des pesticides exportés par la Belgique se retrouvent dans nos assiettes, ce qui démontre l’inconscience de perpétuer de telles exportations et la nécessité d’agir.
Finalement, ce commerce, contraire aux engagements internationaux pris par nos dirigeants, nuit également à la crédibilité de la Belgique vis-à-vis de la prise en compte d’enjeux globaux de développement durable et de transition agroécologique.

Exemples d’exportations belges vers les pays tiers :

En 2020, Syngenta exportait vers le Brésil 153 tonnes de thiaméthoxame, un néonicotinoïde interdit, ce qui faisait de la Belgique le premier exportateur européen en la matière. Cette production est su.sante pour produire 1 000 000 L de produit
fini. Un pesticide aussi nocif pour les insectes et les pollinisateurs a de quoi inquiéter dans un réservoir de biodiversité comme le Brésil.

L’entreprise UPL (ex-Agriphar puis Arysta) exporte du carbendazime vers les Philippines, un pesticide extrêmement toxique pour la vie aquatique. Sur place, le carbendazime est retrouvé en vente libre sur internet et dans les magasins de produits phytopharmaceutiques. Aspergé sur les cultures de bananes, ce pesticide se retrouve en bout de course sous forme de résidus dans l’alimentation que nous importons. En 2020, le carbendazime était le pesticide interdit le plus présent dans notre alimentation avec plus de 1600 échantillons testés positif sur les 5800 analysés par les autorités européennes (EFSA).

La position de l’industrie ?

De manière peu surprenante, le lobby des pesticides en Belgique (Belplant) s’oppose à toute régulation de ce commerce de pesticides interdits. Pourtant, cette vision repose sur des arguments biaisés :

  • La question de l’emploi. Le secteur des produits phytopharmaceutiques revendique en Belgique près de 1700 emplois directs. Aucunes données ne permettent de savoir combien de ces emplois sont concernés par les pesticides interdits. Pourtant, l’industrie utilise le chantage à l’emploi a.n d’éviter toute régulation. Une mesure similaire votée en France a démontré que l’industrie ne s’est pas effondrée et qu’elle a même délibérément menti pour empêcher le vote d’une telle mesure [1] ;
  • Le cadre européen. Dans le cadre du Pacte vert européen, une mesure d’interdiction d’export est également en ré.exion. Cette mesure serait un argument pour pousser la Belgique à ne pas agir. Pourtant, la France a déjà légiféré en ce sens et l’Allemagne l’a mis dans son accord de gouvernement. Avec la Belgique et l’Espagne, ce sont les plus gros exportateurs de l’UE. Le vote d’une telle mesure enverrait donc un signal fort à la Commission, dont la régulation maintes fois promise tarde à voir le jour.

Recommandations aux pouvoirs publics

Cette étude présente des recommandations précises, relatives aux pesticides interdits, à leur usage et à leurs échanges.

À travers sa publication, les organisations internationales souhaitent interpeller la classe politique belge sur le rôle de la Belgique dans ce commerce et les conscientiser sur l’urgence d’interdire l’exportation de ces substances.

Elles exhortent le gouvernement fédéral à voter un arrêt des exportations de ces pesticides interdits et les gouvernement régionaux à faire cesser définitivement la production de ces pesticides.

Contacts

Pour plus d’infos, interview et visuels :

> Attachée de presse : Anne Kennes 0486/24 34 00 - anne@sparklebox.be
> Responsable plaidoyer et campagne pesticides : Jonas Jaccard - 0495/27 56 96 - jja@sosfaim.ong

Cette étude s’inscrit dans le cadre de la campagne Interdits ici - Exportés là-bas - Mortels partout. Plus d’infos : https://stop-pesticides.be


Notes

[1Mediapart, « Le chantage à l’emploi du lobby des pesticides était basé sur un mensonge », 5 janvier 2023